Les apparences sont trompeuses. Au premier regard, l’aviron semble évoluer dans un monde à part au sein du mouvement sportif, une planète sans affaires ni guerre de clans. Par habitude, peut-être, de glisser à la surface de l’eau sans rechercher les vagues. Un monde où rien ne bouge.
Preuve en a encore été donnée lundi 2 octobre, à Sarasota-Bradenton, en Floride. Au lendemain des championnats du monde, où même le passage récent de l’ouragan Irma n’a pas perturbé l’ordre naturel des choses, la Fédération internationale d’aviron (FISA) a tenu son Congrès annuel. Il était électif, comme tous les quatre ans après les Jeux olympiques.
En jeu, la présidence de l’organisation. Une lutte de pouvoir ? Tout le contraire. Jean-Christophe Rolland, le président sortant, élu quatre ans plus tôt pour succéder au Suisse Denis Oswald, était seul candidat. Il a été reconduit à l’unanimité pour un second mandat. A 49 ans, le Français poursuivra le boulot jusqu’en 2021. Champion olympique en 2000 à Sydney, intronisé le mois dernier membre du CIO dans le collège des fédérations internationales, il incarne la culture de la stabilité de l’aviron mondial.
Au passage, les délégués présents en Floride ont également reconduit, avec la même unanimité, la Canadienne Trica Smith à la vice-présidence, et le Britannique Mike Williams au poste de trésorier. Détail: Tricia Smith était en concurrence avec Jean-Christophe Rolland , quatre ans plus tôt, lors de l’élection à la présidence de la FISA. Depuis, elle a été désignée elle aussi membre du CIO. Aujourd’hui, elle assiste son ancien rival français sans chercher à lui chiper son siège. Très fort.
Le calme plat, donc. Mais, répétons-le, les apparences sont trompeuses. Le Congrès de Sarasota-Bradenton l’a illustré sans nuance: l’aviron mondial ne craint pas le changement. Il l’appelle même sans s’interdire de lever la voix. A l’ordre du jour, lundi 2 octobre, le vote du programme des prochains championnats du monde. Les délégués étaient invités à se prononcer sur une reforme des usages de la discipline.
En accord avec les résolutions de l’Agenda 2020 du CIO, la nouvelle mouture préconisait un passage à la parité hommes/femmes aux championnats du monde seniors, moins de 23 ans et juniors. Une majorité des deux tiers était nécessaire pour son adoption. Avec 137 voix pour, et seulement 6 contre, le nouveau programme a été entériné avec le score de 95,8% des suffrages. En février dernier, une réforme similaire du programme des Jeux olympiques avait été adoptée lors d’un Congrès extraordinaire organisé à Tokyo.
Son application ne sera pas indolore, puisqu’elle renvoie par le fond une catégorie toute entière, le quatre de pointe poids légers masculin, sacrifié au bénéfice de la parité des sexes. Il était encore présent aux Jeux de Rio en 2016. Commentaire de Jean-Christophe Rolland: « Le choix a été difficile et la décision douloureuse. Mais nous devions prendre les devants. Surtout, nous devions le faire nous-mêmes, par une discussion large et ouverte incluant toute la famille de l’aviron. Il n’était pas question d’imposer une telle évolution de façon autoritaire. »
Autre signe d’un vent de changement: la décision d’attribuer à Shanghai l’accueil des championnats du monde en 2021. La Chine n’a encore jamais organisé l’événement. Elle le fera dans la foulée des Jeux de Tokyo en 2020. Le choix de Shanghai a été adopté lundi 2 octobre à l’unanimité des délégués présents en Floride. Le changement, donc. Mais en ramant tous dans le même sens.