« Nous avons les Jeux. Bravo. Mais le plus dur commence ». Le propos est de Bernard Lapaset, le co-président de la candidature de Paris aux Jeux de 2024, prononcé à Lima le 13 septembre dernier, quelques heures après l’attribution de l’événement à la capitale française. L’ex patron du rugby mondial ne croyait pas si bien dire.
Quatre semaines au jour près sont passées depuis le double vote du CIO. L’euphorie de la victoire est retombée. Les polémiques, elles, frappent déjà au carreau. Le site d’investigation Mediapart a attaqué le premier, révélant le 26 septembre dernier la facture du voyage de la délégation française à Lima: 1,5 million d’euros, soit 4.687 euros par personne, selon un très approximatif calcul.
« Une polémique injuste », a réagi Tony Estanguet, le futur président du comité d’organisation des Jeux (COJO), expliquant que les choix arrêtés pour Lima l’avaient été dans un contexte de compétition avec Los Angeles. « Pour moins dépenser à Lima, on a réservé les chambres d’hôtel et les billets d’avion en amont, a précisé Tony Estanguet. Réserver un avion revenait aussi à moins cher que des billets individuels. On a essayé de débrancher tout ce qu’on pouvait car il y avait moins de suspense. 1, 5 M€ c’est beaucoup d’argent, mais ça ne comporte pas que les invités. Ça comporte la préparation de ce rendez-vous, les visites de préparation, les supports techniques, les films. » Pas faux. Fin de l’épisode.
La deuxième salve médiatique est lancée par un autre habitué de l’exercice. Dans son édition de ce mercredi 11 octobre, le Canard Enchaîné consacre au dossier Paris 2024 un article intitulé « Bercy panique devant les factures de l’organisation des JO ». Il révèle que le ministre de l’Action et des comptes publics, Gérald Darmanin, aurait placé le futur COJO sous haute surveillance.
Le patron de Bercy aurait déjà sollicité l’Inspection des finances. Parmi les mesures envisagées, la présence d’un contrôleur de gestion au sein du conseil d’administration, la création d’un comité d’audit et d’éthique. Normal pour une organisation placée aux manettes d’un événement doté d’un budget prévisionnel de 6,6 milliards d’euros. Gérald Darmanin souhaiterait également la mise en place d’un « mécanisme renforcé d’information de l’Etat et des mesures de redressement en cas de dérive financière ». Là aussi, rien de très exceptionnel.
Le Canard Enchaîné dévoile aussi les montants des salaires qui seraient versés aux futurs président et directeur général du COJO. Pour le premier, à savoir Tony Estanguet, la rémunération annuelle serait de 452.000 euros. Le second, un poste promis à Etienne Thobois (photo ci-dessus, à droite, devant Tony Estanguet), elle s’élèverait à 383.000 euros. Très confortable.
Dans une note envoyée au ministre, la directrice du Budget, Amélie Verdier, tire la sonnette d’alarme: « Les salaires envisagés pour les personnels du COJO posent d’ores et déjà problème. »
Info ou intox? L’équipe de Paris 2024 n’a pas laissé la polémique enfler trop vite, comme après l’article de Mediapart sur la facture du voyage à Lima. Elle a pris les devants, par le biais d’un communiqué de presse de réaction, envoyé avant même la sortie en kiosque du Canard Enchaîné.
Après avoir expliqué « avoir pris connaissance de l’article de l’hebdomadaire satirique, le comité Paris 2024 fait part de son étonnement « de ne pas avoir été contacté par la rédaction du Canard Enchaîné, ce qui lui aurait permis de préciser que les montants mentionnés ne constituent en aucun cas la rémunération du Président et du Directeur Général du futur COJO Paris 2024. »
Le communiqué de presse poursuit: « Le document cité dans cet article est une note technique qui s’appuie sur le travail d’un cabinet de recrutement ayant réalisé une étude comparative relative à la rémunération des dirigeants qui ont travaillé à l’organisation des récents grands événements sportifs internationaux. Les travaux sur la rémunération des dirigeants du futur COJO Paris 2024 débutent à peine. Ils feront l’objet de discussions avec les membres fondateurs de Paris 2024 (Etat, Ville de Paris, Région Ile de France, CNOSF et CPSF), pour préciser la méthode et le calendrier destinés à finaliser la future grille de salaire. »
Suffisant pour étouffer la polémique? Peut-être. Mais une chose est sûre: même avec 95% des sites déjà existants ou temporaires, la préparation des Jeux de Paris 2024 ne sera pas un long fleuve tranquille.