Le procès de la corruption à la FIFA s’annonçait explosif. Il tient largement ses promesses. Et même mieux encore. Ouvert au début du mois de novembre à New York, il réserve jusque-là un lot fourni de révélations. La dernière en date concerne le Qatar et les conditions d’attribution à l’état du Golfe de la Coupe du Monde de football en 2022.
Dans le rôle du témoin, Luis Bedoya. L’ancien président de la Fédération colombienne de football était appelé à la barre. Un témoin clé, précédé d’une solide réputation de dirigeant corrompu. Au temps de sa « splendeur », il comptait parmi les officiels les plus influents du football sud-américain. En plus de présider sa fédération nationale, il siégeait au comité exécutif de la FIFA. Un ponte.
Précision: Luis Bedoya aurait tout aussi bien pu prendre place dans le box des accusés, en compagnie de ses trois ex collègues des instances du football sud-américain, le Brésilien José Maria Marin, le Paraguayen Juan Angel Napout, et le Péruvien Manuel Burga. Mais le Colombien, lui aussi arrêté à Zurich lors de la rafle du mois de mai 2015, a préféré plaider coupable pour éviter le procès. A Brooklyn, il figure donc dans la liste des témoins de l’accusation.
A la barre, son récit s’est révélé fascinant. Luis Bedoya a raconté une scène vécue en mai 2010, à Madrid, en marge de la finale de la Ligue des Champions entre le Bayern Munich et l’Inter Milan. Très précis dans ses souvenirs, le Colombien a expliqué avoir été approché à son hôtel par l’Argentin Mariano Jinkis, patron d’une agence de marketing aux sulfureuses activités, et un « personnage important d’une chaîne de télévision du Qatar ». Son nom n’a pas été dévoilé, Luis Bedoya ayant prétendu ne plus s’en souvenir.
Mariano Jinkis avait pour mission de présenter le mystérieux Qatari à plusieurs dirigeants importants du football sud-américain, dont Luis Bedoya et le Paraguayen Juan Angel Napout, mais également Luis Chiriboga, l’ex président de la Fédération équatorienne de football. Selon le Colombien, l’émissaire venu de Doha voulait savoir s’il pouvait compter sur les voix sud-américaines dans le cadre du vote pour l’attribution des éditions 2018 et 2022 du Mondial.
Mariano Jinkis aurait alors joué cartes sur table. L’Argentin aurait expliqué que le Qatar disposait d’une enveloppe de « 10 à 15 millions de dollars » à partager entre six dirigeants sud-américains, dont les trois officiels présents au rendez-vous de Madrid. A l’époque des faits, les trois présumés corrompus ne siégeaient pas au comité exécutif de la FIFA. Ils n’avaient donc pas le droit de vote. Mais ils étaient censés, en échange d’une valise de dollars, influencer leurs collègues sud-américains appelés à participer au scrutin.
Lancé comme un obus, Luis Bedoya a vidé tout le contenu de son sac dans la salle d’audience du tribunal de Brooklyn. Le Colombien a également avoué que son voyage à Madrid pour la finale de la Ligue des Champions en 2010 avait été payé par la chaîne américaine Fox Sports, détentrice des droits de l’événement pour les Etats-Unis. Une chaîne accusée par un autre témoin, lors de la première semaine des auditions, d’avoir versé des pots-de-vin pour l’obtention des droits de certaines rencontres.
Enfin, Luis Bedoya ne s’est pas privé de multiplier les aveux, pendant sa longue audition. Il a expliqué avoir entendu un jour un représentant de Nike suggérer un dessous de table pendant les négociations avec la Fédération colombienne de football pour un contrat d’équipementier. Mais aucun argent n’a change de mains. Et le contrat a été attribué à Adidas.