Singulier timing. Le Forum international Peace and Sport, 10ème du nom, se déroule actuellement en principauté de Monaco, dans un contexte géopolitique très particulier pour le mouvement sportif. Il a débuté mercredi 6 décembre, au lendemain de la décision du CIO de suspendre la Russie des Jeux de PyeongChang 2018. Il se termine vendredi 8 décembre, à 9 semaines de l’ouverture des prochains JO d’hiver, où l’escalade des tensions entre les Etats-Unis et la Corée du Sud constitue toujours une menace.
Joël Bouzou (photo ci-dessus) préside l’organisation Peace and Sport et l’Association mondiale des olympiens (WOA). Au deuxième jour du Forum, il a enfilé ses deux casquettes pour évoquer avec FrancsJeux la question russe et le dossier coréen. Interview.
FrancsJeux: Que pensez-vous de la décision du CIO de suspendre la Russie des Jeux de PyeongChang 2018?
Joël Bouzou: Un athlète propre doit avoir le droit de participer aux Jeux olympiques. Toujours. Je n’en démordrai jamais, en ma qualité de président de Peace and Sport et de l’Association mondiale des olympiens. Par sons statut d’olympien, un athlète a le pouvoir de de devenir une source d’inspiration pour la jeunesse. Il peut changer la vie des jeunes. Nous avons besoin de « role-model ». J’en ai besoin. Je considère que fermer la porte des Jeux olympiques à des athlètes propres, sous prétexte que des fautes ont été commises dans leur pays, est totalement injuste.
L’IAAF l’avait fait avec les athlètes russes pour les Jeux de Rio 2016…
En effet. Et j’avais déjà pris position contre une décision que je trouvais injuste. Yelena Isinbayeva est une athlète propre. Elle n’a jamais été impliquée dans la moindre affaire de dopage. Elle a pourtant été privée des Jeux de Rio par une décision collective. Elle aurait dû pouvoir terminer sa carrière aux Jeux de 2016.
Le CIO n’a pas totalement fermé la porte des Jeux de PyeongChang aux athlètes russes. En participant aux épreuves olympiques sous couleurs et drapeau neutres, pourront-ils avoir le même impact sur la jeunesse de leur pays?
Sans aucun doute. Un olympien reste un olympien. Un médaillé olympique reste un médaillé olympique. Même avec un maillot neutre, il peut servir d’exemple et de source d’inspiration pour les jeunes.
La Corée du Nord n’a toujours pas confirmé sa participation aux Jeux de PyeongChang. Estimez-vous sa présence très importante pour le mouvement olympique?
Absolument. J’espère que la Corée du Nord sera présente aux Jeux d’hiver. A Peace and Sport, nous avons toujours essayé d’intégrer les athlètes nord-coréens. Nous l’avons fait cette année, dans le cadre de l’opération Carton blanc, en réunissant sur la glace les équipes sud et nord-coréennes de hockey. Nous l’avions fait également quelques années plus tôt à Doha, avec d’autres pays en conflit, à l’occasion d’un tournoi international de tennis de table. Les diplomates étaient présents. Ils ont parlé de sport. Puis, par le biais du sport, ils ont débattu d’autre sujets plus politiques. Un échange qui aurait été plus difficile dans le cadre de rencontres formelles et institutionnelles.
Peace and Sport regroupe actuellement plus d’une centaine de « Champions de la paix ». Comment les choisissez-vous?
Pour certains d’entre eux, la démarche est venue de nous. Nous les avons sollicités pour rejoindre notre organisation. Mais beaucoup sont venus de leur propre initiative. Didier Drogba, par exemple. Il nous a récemment rejoints. L’avoir à nos côtés comme Champion de la paix a toujours été pour moi un rêve, car il incarne à la perfection le rôle d’exemple que peut jouer un athlète pour la jeunesse, par son palmarès, ses valeurs et ses actions. Mais je n’ai pas eu à l’appeler. Il l’a fait lui-même. Les champions sont des grands rêveurs, mais ils se montrent également très pragmatiques, dans leur carrière et leur vie. Pour les attirer, il ne suffit pas de les faire rêver d’un idéal de paix par le sport. Il faut leur montrer les résultats, sur le terrain, de façon concrète.
Pour rejoindre Peace and Sport, doivent-ils signer un code de conduite?
Oui. Il y est surtout question d’éthique. Je ne crois pas que le dopage en fasse partie. Mais nous n’avons encore jamais eu un seul Champion de la paix impliqué dans une affaire de dopage.