Très fort, Kim Jong-un. Le dirigeant suprême de la Corée du Nord, leader d’un pays peuplé de seulement 25 millions d’âmes, s’est payé le luxe de voler la vedette aux autres chefs d’Etat à l’heure très attendue des vœux pour la nouvelle année. Diffusé en direct à la télévision nord-coréenne, prononcé face à un improbable alignement de sept micros, son message a fait le tour du monde.
Kim Jong-un s’y montre menaçant envers les Etats-Unis, rappelant que le bouton nucléaire est toujours sur son bureau, et que la menace de s’en servir n’est pas « du chantage, mais la réalité. » Refrain connu. Plus inattendu, il ouvre la porte à une participation de son pays aux Jeux d’hiver de PyeongChang 2018.
« J’espère sincèrement que les Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang seront menés avec succès, a suggéré le troisième membre de la dynastie des Kim. Nous sommes disposés à prendre les mesures nécessaires, y compris à envoyer notre délégation à PyeongChang. A cette fin, les autorités du Nord et du Sud pourraient se retrouver dans un avenir proche. Les Jeux seront une bonne occasion de témoigner de la grâce du peuple coréen envers le monde. L’année 2018 sera une année significative pour le Nord comme pour le Sud, le Nord célébrant le 70ème anniversaire de sa naissance et le Sud accueillant les Jeux olympiques d’hiver. »
Le message est clair. A moins de 40 jours de l’ouverture des Jeux, Kim Jong-un avance un pion. Il suggère que son pays pourrait envoyer une délégation, et prendre ainsi part pour la 9ème fois de son histoire à l’événement hivernal. Il évoque, sans la nommer, une trêve olympique. Alléluia.
A Séoul, la nouvelle a été commentée comme un don du ciel, au moins officiellement. Difficile de faire autrement pour le régime sud-coréen, après avoir répété sans lassitude depuis plusieurs mois que la présence d’une délégation du Nord constituerait un geste en direction de la paix.
« Nous saluons cette déclaration, a commenté la présidence sud-coréenne dans un communiqué. Si les Jeux sont une réussite, cela contribuera à la paix non seulement sur la péninsule coréenne, mais également dans la région et le monde. »
Le gouvernement sud-coréen n’a pas tardé à joindre le geste à la parole. Cho Myoung-gyon, le ministre de l’Unification, a annoncé ce mardi 2 janvier que les discussions entre les deux pays se dérouleraient le 9 janvier, dans le village frontalier de Panmunjom. Un premier dialogue centré sur la coopération olympique entre les deux voisins.
Au comité d’organisation des Jeux de PyeongChang, Lee Hee-beom, le président, s’est fendu lui aussi d’une réaction au ton très positif. « Nous saluons activement la suggestion par le Nord qu’il est prêt à entamer des pourparlers pour participer aux Jeux, a-t-il expliqué, cité par l’AFP. Nous préparons les JO dans l’idée que le Nord y prendra finalement part. »
Voilà pour les discours. Très diplomatiques mais résolument optimistes. En coulisses, les questions restent entières. La première concerne directement les athlètes. Dans l’hypothèse où l’annonce de Kim Jong-un soit suivie d’effet, combien seront-ils aux Jeux de PyeongChang?
A moins de deux mois de l’ouverture, la Corée du Nord ne compte aucun quota pour les épreuves olympiques. Son couple de patineurs artistiques, Ryom Tae-Ok et Kim Ju-Sik, avait décroché son billet, mais le comité olympique nord-coréen a laissé passer la date limite du 30 octobre 2017 pour confirmer leur participation auprès de l’ISU. Dans les autres disciplines, les Nord-Coréens doivent encore obtenir leur qualification.
Dans un tout autre cas, la situation serait problématique. Avec la Corée du Nord, elle s’annonce anecdotique. Le CIO n’a jamais caché sa volonté de voir les deux Corée défiler à la cérémonie d’ouverture. Il ne ménagera pas ses efforts pour y parvenir, quitte à inscrire les athlètes venus de Pyongyang en tête de liste des invités aux Jeux.
Autre interrogation: le prix à payer par Séoul pour s’assurer une participation du voisin aux Jeux de PyeongChang. Depuis l’annonce de Kim Jong-un, les analystes se repassent la question. Et tous s’accordent à suggérer que les discussions prochaines entre les deux voisins devraient tourner autour d’une « compensation » pour ce geste pacifique.
Dès lundi 1er janvier 2018, l’Institut sud-coréen pour la sécurité national a avancé que le régime de Pyongyang pourrait demander, en échange de la présence d’une délégation aux Jeux, la levée des sanctions économiques imposées par Séoul, une relance des échanges économiques entre les deux voisins, voire une aide humanitaire du Sud en direction du Nord.
A 38 jours de l’ouverture, le temps presse. Rien n’est gagné, certes, mais tout reste possible. Une chose est sûre: Kim Jong-un a déjà réussi son coup médiatique.