Dix jours, pas un de plus. Il aura fallu 10 jours pour que le nom de la Russie soit associé au mot dopage aux Jeux de PyeongChang 2018. Vendredi 9 février, une délégation de 168 « Athlètes olympiques de la Russie » a défilé à la cérémonie d’ouverture, derrière le drapeau olympique, avec la volonté commune de laver le passé et d’en finir avec le scandale des Jeux de Sotchi 2014. Dimanche 18 février, un premier cas de dopage est sorti du chapeau. Il concerne un certain Alexander Krushelnytsky, passé à la postérité un peu plus tôt dans la semaine pour avoir décroché, avec son épouse, Anastasia Bryzgalova, la médaille de bronze dans l’épreuve mixte de curling (photo ci-dessus).
L’affaire a été révélée par le site russe Sport Express. Elle a rapidement été confirmée par Konstantin Vybornov, le porte-parole de la délégation des AOR aux Jeux de PyeongChang. Selon ce dernier, Alexander Krushelnytsky aurait été contrôlé positif au meldonium, une substance interdite depuis janvier 2016. Le test antidopage positif aurait eu lieu pendant les Jeux. Le produit banni aurait été détecté dans l’échantillon A.
Les conclusions de l’analyse de l’échantillon B devaient être révélées ce lundi 19 février à PyeongChang. Elles ont été à l’heure. Le deuxième échantillon a confirmé les découvertes du premier. Le Tribunal arbitral du sport (TAS) a annoncé dans un communiqué avoir été saisi du cas Alexander Krushelnytsky, nommant l’athlète russe, mais précisant que la date de son audition n’avait pas été fixée. Le joueur de curling est bien positif au meldonium.
Selon une source proche du dossier, citée par Reuters, Alexander Krushelnytsky aurait déjà quitté le village des athlètes de Gangenung. Son accréditation lui aurait été retirée. Mais la télévision canadienne, CBC, annonce que l’athlète russe serait toujours en Corée du Sud, dans l’attente de la décision finale des autorités olympiques.
L’affaire Alexander Krushelnytsky interpelle. En soi, voir débarquer le nom d’un athlète russe à la rubrique dopage n’a rien d’un scoop. Mais l’information devient plus énigmatique dans le cas d’un spécialiste du curling, une discipline où il semble assez improbable d’espérer améliorer son maniement du balai ou du lancer de pierre en ayant recours au dopage.
« Avec nous, il ne s’agit pas d’aller plus vite, plus haut, plus fort, mais d’être plus précis, a confié Viktoria Moiseeva, une autre membre de l’équipe russe de curling, après l’annonce de la nouvelle. J’ai du mal à imaginer quel genre de produit nous pourrions utiliser en curling. C’est pour cela que j’ai du mal à croire à cette histoire. »
Même incompréhension chez Dmitry Svishchev, le président de la Fédération russe de curling. « Je connais ces athlètes depuis des années, a-t-il expliqué dimanche. Il faudrait être fou pour prendre un produit interdit avant les Jeux olympiques. Cette histoire est étrange. Elle soulève beaucoup de questions. » Dmitry Svishchev a précisé que l’équipe russe de curling avait été contrôlée le 22 janvier 2018, avant son départ pour la Corée du Sud. Les tests se sont révélés négatifs.
Sans grande surprise, le CIO s’est contenté d’une réaction très neutre. Répétant sans lassitude que le dossier dopage n’était plus de son ressort aux Jeux, son porte-parole, Mark Adams, a suggéré que l’affaire serait « extrêmement décevante » si le cas était avéré.
La première conséquence de l’affaire s’annonce très immédiate. L’équipe des « Athlètes olympiques de la Russie » perdra une médaille de bronze. Elle ira se glisser sur le compte de la Norvège.
Par la suite, il reviendra à la commission du CIO chargée du dossier AOR de se pencher sur le cas Alexander Krushelnytsky. Sa présidente, Nicole Hoevertsz, présentera son rapport à la commission exécutive, au cours du dernier week-end des Jeux. L’organisation olympique devra alors décider quel sort réserver à la délégation, dont un comportement exemplaire devait permettre de défiler avec ses propres couleurs à la cérémonie de clôture. Avec un tel scénario, cette perspective s’éloigne.