Le gros temps persiste sur la planète tennis. Après la polémique sur la nouvelle formule de la Coupe Davis, la discipline doit composer avec une nouvelle affaire. Paradoxe: elle émane de sa propre organisation. Selon un rapport indépendant, commandé par la Fédération internationale (ITF) et dévoilé mercredi 25 avril, le tennis serait gangrené par la tricherie et les paris truqués.
L’enquête est digne de foi. Elle a été menée pendant deux ans, pour un coût final estimé à 20 millions d’euros. Cher. Mais ses résultats ne font pas dans la nuance. Evoquant un « tsunami d’infractions », les trois experts missionnés par l’ITF assurent, chiffres à l’appui, que les tournois de deuxième et troisième catégories, les épreuves du circuit Challenger et Future, sont l’objet de pratiques peu en accord avec les règles. Les joueurs, souvent peu payés, acceptent facilement de laisser échapper un jeu, un set ou un match, après avoir parié eux-mêmes ou confié cette tâche à des parieurs professionnels.
« Seuls les 250 femmes et 350 hommes les mieux classés gagnent suffisamment d’argent, souligne le rapport de l’Unité pour l’intégrité du tennis (TIU). Il existe pourtant quelque 15 000 joueurs dits professionnels. »
Le mal est profond. Selon le rapport des enquêteurs, les parties prenantes du tennis professionnel, ITF, ATP, WTA et organisateurs des tournois majeurs, ont tardé à s’attaquer au fléau. L’Unité pour l’intégrité du tennis existe seulement depuis 2009. Elle compte 17 salariés. Ses moyens restent trop réduits pour anticiper le phénomène et agir à la base.
Pour la seule année 2017, pas moins de 85.000 matches de tennis ont été ouverts aux paris en ligne. Sur le circuit Challenger, 1 match sur 100 en moyenne a fait l’objet d’un signalement pour comportement suspect. Entre 2009 et 2017, 83 % des alertes ont concerné le circuit masculin. Pour la période 2013-2017, 135 joueurs ont fait l’objet de trois alertes concernant l’un de leurs matchs. Ils ont été 23 à compiler au moins six alertes.
Sombre perspective pour l’ITF: le rapport des trois enquêteurs recommande en priorité de mettre un terme au contrat signé avec la société suisse Sportradar, chargée d’assurer le live scoring et de fournir les statistiques des rencontres de ses circuits officiels. Une mesure qui aurait pour effet de compliquer sérieusement la tâche des tricheurs. Mais le manque à gagner ne serait pas négligeable: le contrat entre les deux parties, signé pour une période de 5 ans jusqu’en 2021, assure à l’ITF un pactole de 70 millions de dollars.
Le rapport suggère également de mettre fin au sponsoring des tournois par les opérateurs de paris en ligne. Radical mais coûteux. Enfin, il recommande de déménager les locaux de l’Unité pour l’intégrité du tennis, afin de lui assurer une plus grande indépendance. Son personnel est actuellement hébergé à Londres, dans les bureaux de l’ITF.