En vertu du principe jamais bafoué d’une présidence tournante, l’AMA devrait être dirigée à partir de l’automne 2019 par un candidat issu du collège des gouvernements. Il succédera au Britannique Craig Reedie, 77 ans, ancien joueur de badminton, entré au CIO en 1994, connu comme le loup blanc dans le mouvement olympique.
L’Ecossais avait été élu une première fois en 2013. Seul candidat à sa réélection, il avait rempilé en 2016. Il représentait le mouvement sportif, CIO et fédérations internationales. Mais il devra rendre l’an prochain les clefs de son bureau, pour laisser la place à un représentant des gouvernements.
La Norvégienne Linda Halleland, 40 ans, actuelle vice-présidente de l’AMA, s’est déclarée la première. Elle a opté pour une ligne radicale, promettant une rupture avec une époque qu’elle juge minée par les « conflits d’intérêts. » Surtout, la ministre norvégienne de l’Enfance et de l’Egalité assure vouloir renforcer le poids des gouvernements vis-à-vis du mouvement olympique. Logique.
En face, Witold Banka se pose en candidat du consensus et de l’équilibre. Retiré des pistes en 2012, après les Jeux de Londres, il est entré en novembre 2015 au gouvernement conservateur de Beata Szydlo comme ministre des Sports et du Tourisme. Plus mesuré que la ministre scandinave, il promet « une forte coopération » entre les deux piliers de l’AMA, les gouvernements d’un côté, le mouvement sportif de l’autre. Une position a priori plus lisse, mais pas forcément moins stratégique.
« L’AMA est en train de perdre son unité, a expliqué le ministre polonais à l’AFP. Je veux construire des ponts entre les gouvernements et le mouvement sportif, et trouver des compromis. L’AMA a été créée parce que chacun de son côté avait échoué. Nous devons nous respecter mutuellement et travailler ensemble pour renforcer le système. »
Réaliste? Pas sûr. Craig Reedie l’a vérifié au cours de ses deux mandats: trouver le point d’équilibre entre les gouvernements et le mouvement olympique n’est jamais chose facile sur la question du dopage.
Sur le dossier russe, le plus explosif de ces trois dernières années, Witold Banka avance sur des œufs. On le comprend. Il appelle à « une solution de long terme avec la Russie », ce qui revient à ne rien dire, mais fait preuve d’un soupçon d’audace en suggérant que les conditions imposées aujourd’hui à la Russie (la reconnaissance publique des conclusions du rapport McLaren et de l’existence d’un dopage d’Etat) ne sont « pas réalistes. » Le Polonais insiste: « Nous devons nous entendre pour de nouveaux critères, plus opérationnels, mesurables et objectifs. »
Witold Banka propose également la création d’un fonds de solidarité indépendant de l’AMA, financé par les sponsors, les fédérations sportives et les gouvernements, pour renforcer la lutte antidopage dans les pays actuellement à la traîne. Il souhaite le développement des laboratoires d’analyses accrédités par l’AMA, pour rééquilibrer leur répartition géographique, actuellement très européenne. Enfin, il suggère une réduction du coût des contrôles, afin d’en augmenter le nombre.
Un candidat crédible ? Peut-être. Pas sûr. Le Polonais l’a expliqué lui-même : il s’engage à respecter « la compétence du Conseil de l’Europe pour sélectionner un candidat unique européen. » A défaut de recueillir la majorité des soutiens parmi les pays du continent, il renoncera à se présenter.
Précision: l’élection à la présidence de l’AMA se déroulera au début du mois de novembre 2019 à l’occasion de la Conférence mondiale sur le dopage dans le sport, prévue à Katowice. En Pologne, donc. Witold Banka jouera à domicile.