Une page se tourne pour le tennis mondial. Pour le meilleur ou pour le pire ? Attendons avant de répondre. Mais une chose est sûre : entre la tradition et l’argent, la Fédération internationale de tennis (ITF) a choisi son camp. Elle l’a fait sans ambiguïté ni hypocrisie. Une décision somme toute assez logique dans un sport où les lois du marché ont souvent imposé leurs règles.
Jeudi 16 août, l’assemblée générale de l’ITF a voté à une nette majorité la réforme de la formule de la Coupe Davis. Réunis à Orlando, en Floride, ses représentants ont assuré au projet porté par le président de l’ITF, l’Américain David Haggerty, une solide victoire: 71,43 % des voix pour la réforme, soit 325 suffrages contre 130 dans le camp du non.
La Coupe Davis s’offrira à partir de l’an prochain une nouvelle peau. Aux oubliettes de l’histoire, l’ancien format construit autour des matchs sur quatre week-ends de trois jours, entre janvier et novembre, avec des rencontres au meilleur des cinq manches.
A la place, l’ITF a opté pour une formule censée encourager la participation des meilleurs joueurs du circuit, souvent peu enclins à participer à la Coupe Davis. L’an prochain, la compétition se déroulera sur une seule semaine, du 18 au 24 de novembre, en un lieu unique. David Haggerty l’a confirmé jeudi 16 août à Orlando : la première édition du tournoi se déroulera en Europe, à Lille ou à Madrid.
Elle se déroulera en deux temps. Un premier tour organisé au mois de février, avec 12 rencontres disputées en 2 jours, en quatre simples et un double, en deux sets gagnants. Il en sortira 12 pays qualifiés pour la phase finale. Cette dernière regroupera 18 nations : les 12 qualifiées du premier tour, plus les 4 demi-finalistes de l’édition précédente, et enfin 2 équipes invitées.
La phase finale, sur une semaine, débutera par un premier tour en six poules de 3 pays. Chaque vainqueur de poule, plus les 2 meilleurs deuxièmes, accéderont aux quarts-de-finale. La suite sera disputée par matchs à élimination directe, jusqu’à la finale, en deux simples et un double, tous joués en deux sets gagnants.
A peine le résultat du vote annoncé, jeudi après-midi à Orlando, les deux camps ont poursuivi avec la même passion leur débat de la campagne. David Haggerty, le président de l’ITF, sorti grand vainqueur d’un suffrage qui aurait pu lui coûter sa position, s’est dit « ravi » d’une décision qui doit « assurer à long terme la pérennité de la Coupe Davis. » Il a promis un « festival du tennis plus attirant pour les joueurs, les fans, les sponsors et les diffuseurs. » Attendons.
Parmi les partisans de la réforme, plusieurs grands noms du circuit, dont le Serbe Novak Djokovic et le Britannique Andy Murray. Le premier salue un changement qu’il explique réclamer depuis 10 ans. « L’ancienne formule n’était bonne ni pour les joueurs ni pour la Coupe Davis », plaide-t-il. Le second se félicite lui aussi d’une avancée qu’il avoue vouloir essayer, quitte à revenir en arrière en cas de constat d’échec.
Dans le camp adverse, les joueurs français, actuels ou passés, se sont encore une fois montrés les plus remontés. Arnaud Clément, par exemple, ne fait pas dans la nuance : « La Coupe Davis est morte, il ne reste plus que le nom et un gros tas de pognon. »
A Orlando, la France a pourtant voté pour la réforme. Bernard Giudicelli, le président de la FFT, s’en est expliqué : « C’est une décision historique qu’il fallait prendre, car la Coupe Davis n’était pas en bonne santé. » Le dirigeant a justifié sa position en rappelant que les joueurs étaient nombreux à ne plus vouloir « consacrer huit semaines par an » à l’épreuve.
L’argent. Il a été au centre de toutes les discussions. Avec sa nouvelle formule, l’ITF pourra honorer un contrat signé pour 25 ans avec le groupe d’investissement Kosmos, présidé par Gérard Piqué (photo ci-dessus, à gauche, avec David Haggerty), le défenseur du FC Barcelone. Montant: 3 milliards de dollars. Les joueurs en partageront une partie, 20 millions de dollars par an, en échange de leur participation. Les fédération nationales seront elles aussi rétribuées (21,5 millions de dollars par an), au titre du développement du tennis. Les moins fortunées ne s’en plaindront pas.