Qui l’eut cru ? En février dernier, les Jeux d’hiver de PyeongChang 2018 n’ont pas été loin de passer du rêve au cauchemar, de la réalité à la fiction. Ils ont échappé de peu au pire, une annulation pure et simple. Ils auraient pu entrer dans l’Histoire, avec un H majuscule, comme les premiers Jeux à être rayés de la carte depuis la fin du second conflit mondial.
La révélation vient d’un acteur du mouvement olympique digne de foi. Thomas Bach en personne. Le président du CIO. Le dirigeant allemand l’a expliqué sans détour à la chaîne CNN, dans le cadre d’une interview destinée à l’émission Money Switzerland. Depuis son bureau de Lausanne, Thomas Bach a lâché une bombe en confiant que les Jeux de PyeongChang auraient pu être annulés en raison de la tension entre les Etats-Unis et la Corée du Nord au cours des derniers mois avant l’événement.
« Pour annuler les Jeux, le point de départ n’est pas une action militaire, a expliqué Thomas Bach, en référence aux essais nucléaires nord-coréens. Une annulation peut être déclenchée quand un pays exprime son intention de ne pas participer car il estime que la sécurité de ses athlètes ne sera pas assurée. Et là, je peux vous dire que les discussions n’ont pas toujours été faciles, pour le dire de façon diplomatique. »
Thomas Bach l’a reconnu : les Jeux de PyeongChang ont été « très près » de ne jamais avoir lieu. Une révélation qui éclaire d’un jour nouveau les efforts déployés par le président du CIO pour faciliter la présence d’une délégation nord-coréenne. Et, plus tard, sa volonté d’accompagner l’effort de rapprochement des deux Corée. Il s’est rendu à Pyongyang à la fin du mois de mars dernier, à l’invitation de Kim Jong Un, pour y rencontrer le leader nord-coréen.
Autre sujet longuement abordé par Thomas Bach face à la caméra de CNN : le rejet par la population du Valais du projet de candidature de Sion aux Jeux d’hiver 2026. Pour le CIO, le coup a été rude. Il en dit long sur l’image de l’organisation olympique dans l’opinion publique, notamment en Suisse, son pays d’adoption.
Mais Thomas Bach ne croit pas à une perte de confiance envers l’idéal olympique. Pour le président du CIO, le non au référendum s’explique avant toute par une perception faussée des Jeux, de leur coût, et une méconnaissance des réformes entreprises pour en réduire la facture.
« J’ai vu les sondages, et nous avons eu des contacts avec le comité de candidature (de Sion 2026), a raconté Thomas Bach. Et là, on nous a expliqué que trois sujets avaient joué un rôle majeur dans la campagne : le premier était l’argent, le deuxième était l’argent, et le troisième était encore l’argent. Mais sur cette question financière, le CIO apporte sa part, car nous contribuerons au succès des Jeux de 2026 avec une aide de 925 millions de dollars américains. »
Pour Thomas Bach, tout serait donc une affaire de communication. En clair, le CIO se démène pour diminuer le coût des Jeux et rendre l’événement plus en phase avec son temps. Mais le message tarde à passer. A la question de l’image écornée d’un CIO touché par les affaires de corruption de plusieurs de ses membres (Lamine Diack, Patrick Hickey, Carlos Nuzman, Frankie Fredericks…), le dirigeant allemand répond : « Je pense que cette question a pris plus de place dans les médias que parmi la population. »
Mais le président du CIO le reconnaît : le retrait de Sion de la course aux Jeux d’hiver lui laisse un goût amer. « Il y a eu un référendum, nous respectons la procédure démocratique, dit-il. Même si nous aurions aimé que les arguments des porteurs du projet aient été un peu plus entendus. Mais il est dommage que les émotions des athlètes, la magie des Jeux et le soutien aux sportifs suisses n’aient pas joué un rôle plus important. Au final, c’est tout cela qui compte. Les Jeux, c’est d’abord la magie, les athlètes, l’émotion… Il est dommage que tout cela ait été réduit à une seule question financière. »