Malheureux boxeurs. A 20 mois des Jeux de Tokyo 2020, ils ignorent encore à peu près tout du prochain tournoi olympique. Ses dates, son lieu, ses règles de sélection. Et même, pire encore, la réalité de son existence.
Réunie pendant deux jours dans la capitale japonaise, en fin de semaine passée, la commission exécutive du CIO était censée éclaircir la situation de la boxe et de sa fédération internationale, l’AIBA. Au lieu de cela, elle l’a enveloppée d’un brouillard toujours aussi épais.
Premier épisode, vendredi 30 novembre. En fin de journée, le CIO annonce sa décision d’ouvrir une enquête sur l’AIBA. Une procédure inédite dans le mouvement olympique. Selon les termes du communiqué de l’institution, la procédure « pourrait conduire au retrait de la reconnaissance de l’AIBA. » En clair, l’affaire est sérieuse.
En cause, « plusieurs motifs d’inquiétude majeure » concernant les finances, la gouvernance et l’éthique de l’organisation internationale de la boxe. Signe de la gravité de la situation: le CIO cite nommément dans son communiqué le nouveau président de l’AIBA, l’Ouzbek Gafur Rakhimov. « Le fait que Gafur Rakhimov ait été cité par le Trésor américain comme principal membre et associé d’un réseau criminel transnational organisé suscite des incertitudes quant au rôle de celui-ci en tant que président de l’AIBA », écrit le CIO.
L’enquête en question a été confiée au Serbe Nenad Lalovic, le président de la Fédération internationale de lutte, l’un des nouveaux poids lourds du mouvement olympique. Il sera épaulé par deux autres membres du CIO, Richard L. Carrión et Emma Terho.
En attendant ses conclusions, attendues dans les 6 mois à venir, le CIO a gelé toutes ses relations avec l’AIBA et suspendu ses subventions. Elle interdit à l’organisation internationale l’usage des emblèmes olympiques. Plus grave : le CIO met en stand-by le tournoi de boxe des Jeux de Tokyo 2020. « Les ventes de billets, l’approbation et la mise en place du système de qualification, la planification de tests et la finalisation du programme de compétitions » sont suspendues avec effet immédiat, précise le communiqué.
Episode 2, samedi 1er décembre. Thomas Bach se présente en conférence de presse au 32ème étage d’un grand hôtel de Tokyo. A deux reprises, la question lui est posée de savoir si la boxe sera présente aux Jeux de Tokyo 2020. A deux reprises, il répond sans répondre.
« Nous ferons tous les efforts nécessaires pour protéger les athlètes comme nous le faisons toujours », se contente-t-il de suggérer. Il précise que le CIO a reçu « une demande de la fédération nationale japonaise de boxe plaidant pour l’organisation d’un tournoi olympique en 2020. ». Puis il explique : « Nous sommes totalement en accord avec cette requête. Nous voulons qu’il y en ait un, et c’est pourquoi nous allons travailler dur. »
A Tokyo, samedi 1er décembre, Thomas Bach avait l’occasion de rassurer les boxeurs en déclarant devant la presse que leur discipline serait présente à coup sûr aux prochains Jeux d’été. Il s’est refusé à le faire. Il a entretenu le doute.
Tout juste a-t-il précisé que les griefs du CIO à l’encontre de Gafur Rakhimov n’avaient rien de « personnels ». « Mais sa situation actuelle peut constituer une entrave à sa fonction de président d’une fédération internationale », suggère Thomas Bach. L’homme d’affaires ouzbek s’est vu refuser une accréditation aux Jeux de la Jeunesse, en octobre dernier à Buenos Aires. Il avait connu pareille sanction aux Jeux d’été à Sydney en 2000 et Londres en 2012.
Même incertitude du côté japonais. Toshiro Muto, le directeur général de Tokyo 2020, semble lui aussi nager en plein brouillard. « Les contacts au niveau opérationnel sont autorisés avec l’AIBA, c’est ce que nous avons compris, a-t-il confié aux médias. Nous allons faire en sorte de nous préparer afin de pouvoir réagir sans retard à une éventuelle décision de maintien de cette compétition. »
Comment ? Dans l’éventualité d’un retrait de la reconnaissance de l’AIBA, à décider en juin prochain par la session du CIO à Lausanne, l’organisation olympique pourrait prendre à sa charge le tournoi de boxe. En faisant appel, pour cela, aux officiels et arbitres de l’AIBA.
Kit McConnell, le directeur des sports du CIO, demande aux boxeurs de « continuer à s’entraîner » dans l’attente d’une décision finale. Pas simple.