La natation mondiale se prépare-t-elle à un clash historique ? Possible. La Fédération internationale (FINA) est sérieusement bousculée depuis plusieurs mois par l’offensive d’une organisation concurrente, l’International swimming league (ISL), créée et financée par le milliardaire ukrainien Konstantin Grigorishin. Les deux parties se rendent coup pour coup.
La FINA semblait avoir pris l’avantage la semaine passée, en annonçant depuis Hangzhou (Chine), où se déroulaient les Mondiaux en bassin de 25 m, la création l’an prochain d’un nouveau circuit de compétitions, les « FINA Champions Swim Series ». Il prendra la forme d’une série de trois meetings de trois jours, sur invitation, organisés entre mars et mai 2019. En jeu, un pactole de 3,9 millions de dollars à partager entre les nageurs, regroupés en équipes de 24 (12 hommes et 12 femmes), aux couleurs d’un continent ou d’une marque.
Alléchant. Mais l’ISL a répliqué en frappant encore plus fort. Elle a réuni mercredi 19 décembre à Londres, au stade de Stamford Bridge, une trentaine de champions olympiques ou mondiaux. Et profité de leur présence pour annoncer le lancement, l’an prochain, de son premier circuit international.
Le projet de l’ISL se démarque de la dernière initiative annoncée par la FINA. Il consiste en une série de compétitions réservées aux nageurs de 12 clubs, en Europe et aux Etats-Unis. Les équipes européennes seraient basées à Stuttgart, Rome, Marseille, Budapest et Londres. En prime, l’Ukrainien Konstantin Grigorishin aurait sa propre écurie, aux couleurs de son groupe industriel, Energy Standard. Aux Etats-Unis, ISL ambitionne de s’implanter à Los Angeles, San Francisco, Atlanta, Austin, Washington D.C. et Phoenix. Précision : les clubs pourront recruter des nageurs de toutes les nationalités.
L’argent ? Il ne manquera pas. Sans grande surprise, le nouveau venu a mis la barre nettement plus haut que la FINA, en annonçant une dotation globale de 5,3 millions de dollars par an. Dans l’assistance, les nageurs ont apprécié.
Pour le sprinteur australien James Magnussen, double champion du monde du 100 m (2011 et 2013), le projet d’ISL peut redonner à la natation mondiale une attractivité auprès des partenaires. « Actuellement, les marques se font rares dans la natation australienne, a-t-il expliqué au Sydney Morning Herald. Cette initiative peut marquer le début d’une nouvelle ère pour la natation professionnelle. »
Au-delà des chiffres et du format, la réunion organisée par l’ISL dans le stade de Chelsea, mercredi, a surtout donné l’occasion à certains des meilleurs nageurs du monde d’exprimer leurs griefs à l’égard de la FINA.
Le brasseur britannique Adam Peaty, champion olympique et mondial, s’est montré l’un des plus virulents. Il a suggéré que la FINA était devenue une organisation dépourvue de la moindre « intégrité ». Et il a expliqué à Reuters que les nageurs devraient recevoir la moitié des recettes de sponsoring et des droits de télévision perçues par la fédération internationale.
« Les athlètes doivent pouvoir faire entendre leur voix, a raconté Adam Peaty au terme de la réunion. Nous n’avons jamais été écoutés. Nous réclamons une plus grande transparence dans les comptes de la FINA. »
Le mois dernier, la FINA a fait annuler une compétition prévue par l’ISL à Turin, menaçant de suspension les nageurs qui auraient l’intention d’y participer. Pour la Hongroise Katinka Hosszu, l’une des meneuses de la fronde, une telle menace n’aura plus la moindre chance d’aboutir. « Si un seul d’entre nous est suspendu, nous serons tous solidaires, a-t-elle expliqué. Ainsi, il ne pourra plus être question de suspension. »
Les nageurs pourraient-ils aller jusqu’à se mettre en grève ? Peu probable. Mais l’Italienne Federica Pellegrini n’en écarte pas totalement la menace. « J’espère que nous n’en arriverons pas là, a-t-elle reconnu mercredi à Londres. Mais cela pourrait être notre dernière option. » La FINA se prépare à un début d’année plein de remous.