Prémonitoire d’une nouvelle année marquée par le sceau du dopage ? Depuis le passage à l’an 2019, l’actualité est dominée par l’Agence mondiale antidopage. Le feuilleton est quotidien. Ses acteurs se succèdent à un rythme de vaudeville.
Jeudi 3 janvier, l’organisation basée à Montréal a annoncé avoir recruté un cabinet d’avocats américain aux ramifications planétaires, Covington & Burling LLP, pour enquêter sur des accusations d’intimidation à l’encontre de l’une de ses membres, l’athlète canadienne Beckie Scott.
L’AMA l’a révélé à sa façon coutumière, par un communiqué faussement bilingue (« La version française sera disponible sous peu », peut-on lire sous le document en anglais) : « Le cabinet Covington & Burling a reçu le mandat de conduire une enquête, entière et totale, sur les accusations d’intimidation et de harcèlement, comprenant des entretiens avec les parties concernées et la remise d’un rapport indépendant au comité exécutif. Le cabinet apportera également son expertise sur la question plus large du fonctionnement interne de l’AMA. »
Au cœur de l’affaire, la skieuse de fond canadienne Beckie Scott. Quarante-quatre ans, un sourire à faire fondre la banquise et pas la langue dans sa poche. Troisième du 10 km poursuite aux Jeux de Salt Lake City en 2002, elle avait finalement hérité de la médaille d’or après la disqualification pour dopage de deux premières de la course, toutes les deux membres de l’équipe russe. Une experte de la question, donc.
Présidente de la commission des athlètes de l’AMA, Beckie Scott était présente lors de la réunion du comité de révision de la conformité, en septembre dernier, où avait été suggérée la levée de la suspension de la Russie. La Canadienne s’y était opposée. Elle ne s’en était pas cachée.
A en croire ses déclarations à la BBC, livrées peu de temps après la réunion, Beckie Scott aurait été la victime des attaques très directes de plusieurs représentants du mouvement olympique membres de l’AMA lors de la réunion du comité exécutif le 20 septembre aux Seychelles. Une série d’attaques visant à « la dénigrer, à la rabaisser et à l’intimider ». A l’issue de la réunion, l’AMA avait décidé de prononcer la levée sous conditions de la suspension de l’agence russe antidopage. Beckie Scott avait claqué la porte et annoncé sa démission.
Très critique à l’égard de l’organisation antidopage, la Canadienne avait suggéré que ces manœuvres d’intimidation étaient à l’image du « manque de considération à l’égard des athlètes en général » sur les questions d’antidopage. Elle avait également relevé qu’il ne s’était trouvé aucun membre du comité exécutif de l’AMA assez courageux pour prendre sa défense.
Dans un premier temps, l’AMA a mené l’enquête en interne. Assez mollement, semble-t-il. Son investigation a conclu qu’il n’existait pas de preuve confortant les accusations de Beckie Scott. L’agence avait également reconnu qu’il serait nécessaire de pousser l’enquête un peu plus loin.
En recrutant un cabinet d’avocats américain, l’AMA se dote des grands moyens. Elle exprime également sa volonté d’action à un moment de son histoire où le mouvement olympique tout entier attend sa décision dans l’affaire du dopage en Russie. Le feuilleton n’est pas terminé.