Le mouvement olympique devra un jour remercier l’AIBA. Et même, allez, lui élever une statue. Avec l’organisation internationale de la boxe, il ne connaît plus l’ennui ou la monotonie. Il va de surprise en surprise.
Après l’épisode Gafur Rakhimov, homme d’affaires ouzbek listé par les Américains comme un acteur du grand banditisme, un nouveau personnage vient de prendre place sous les projecteurs. Il n’était pas attendu. Mais sa présence au casting propose un rebondissement à inscrire d’un trait épais parmi les meilleurs moments de la saga de l’AIBA.
Umar Kremlev (photo ci-dessus), le secrétaire général de la Fédération russe de boxe, par ailleurs membre du comité exécutif de l’AIBA, a proposé jeudi 28 mars de régler pour de bon le dossier de la boxe aux Jeux olympiques. A sa manière, directe et radicale. En épongeant d’un coup la dette financière de l’organisation internationale.
Umar Kremlev explique être « extrêmement préoccupé » par la situation actuelle de l’AIBA et de la boxe en général. Il assure vouloir contribuer au développement de la discipline et à son avenir olympique. Et il se dit, pour cela, prêt à casser sa tirelire pour éponger les dettes de l’AIBA.
Précision: au dernier pointage, l’organisation internationale de la boxe présente une ardoise de 16 millions de dollars. Tout sauf anecdotique. Mais il en faut plus, semble-t-il, pour effrayer le dirigeant russe. Sans préciser l’origine de l’argent, Umar Kremlev annonce son intention de remettre les compteurs à zéro à condition que son geste s’accompagne de l’assurance du CIO de maintenir la boxe au programme des Jeux de Tokyo 2020.
Umar Kremlev a détaillé sa proposition dans un courrier envoyé au CIO. La Fédération russe de boxe en a dévoilé certains extraits, jeudi 28 mars, dans un communiqué envoyé aux médias. Il demande aux dirigeants olympiques de « soutenir la boxe » et de « sauver l’AIBA dans le mouvement olympique. » Le Russe précise également être prêt à « débuter les négociations aussi tôt que possible. »
La démarche est inédite. Elle se veut radicale. « L’AIBA est dans rouge ? Aucun souci, je vais régler la note et on oublie tout le reste », suggère en substance le dirigeant russe.
A Lausanne, le CIO n’a pas commenté l’épisode Umar Kremlev. Mais il semble très improbable que l’organisation olympique le prenne au sérieux. Thomas Bach n’en a jamais fait mystère : le dossier AIBA n’est pas seulement financier. Il concerne également les questions de gouvernance, d’éthique, de lutte antidopage et d’arbitrage. Eponger une dette de 16 millions l’allégerait d’un poids, certes, mais sans régler d’un coup tous les problèmes.
A en croire le site de l’AIBA, Umar Kremlev est secrétaire général de la Fédération russe de boxe depuis 2017. Il est connu en Russie pour son rôle au sein d’un club de motards russes, les Night Wolves, présumés proches du courant nationaliste. Selon AP, il aurait fait fortune grâce à une entreprise de sécurité et dans le commerce des bijoux.
La démarche entreprise par Umar Kremlev est certainement vouée à l’échec. Elle pourrait même s’avérer très contre-productive, en renforçant les soupçons du CIO à l’égard de l’AIBA, de ses dirigeants et de ses donateurs providentiels. Mais elle a le mérite d’exister.
Acculée par le CIO depuis plusieurs mois, l’AIBA s’active et se mobilise. Sa stratégie manque parfois de finesse, mais elle ne ménage pas ses efforts. En face, en revanche, le CIO donne l’impression de chercher à remporter une guerre d’usure.
A Lausanne, cette semaine, la commission exécutive a pris connaissance d’un rapport d’étape rédigé par le comité ad hoc chargé du dossier de la boxe. Mais elle a refusé d’en révéler le contenu et les détails. Tout juste a-t-elle précisé que le rapport final lui serait remis le 22 mai, à l’occasion de la prochaine réunion de la commission exécutive.
A l’AIBA, on perd patience. L’organisation internationale a expliqué, jeudi 28 mars, ne pas comprendre l’attentisme du CIO. Elle a pourtant remis non pas un, mais quatre rapports au cours des 12 derniers mois. Elle assure avoir répondu à toutes les exigences du CIO. A ce jour, sans le moindre signe d’encouragement.
« Ce nouveau retard (dans la décision du CIO) a un impact direct sur nos athlètes, insiste Tom Virgets, le directeur exécutif de l’AIBA. Pour eux, c’est un véritable désastre. Les boxeurs du monde entier sont laissés dans la plus grande ignorance, sans aucun soutien ou financement. Nous ne comprenons pas pourquoi leur situation n’est pas considérée comme prioritaire. Il est temps de passer à autre chose. Nos boxeurs attendent, nos officiels attendent et nos fans attendent. »
A l’évidence, le CIO attend aussi. On se demande quoi.