Le dossier est embarrassant. Il vient d’atterrir sur les bureaux de la Fédération internationale de volley-ball (FIVB). Elle s’en serait bien passé, mais elle ne pourra pas le jeter au panier.
The Independent révèle que le président de la Fédération cambodgienne de volley-ball, Neth Savoeun (photo ci-dessus, à genoux), est accusé d’avoir ordonné des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture sous le régime du Premier ministre, Hun Sen.
Le dirigeant sportif cambodgien, par ailleurs membre de la police nationale, faisait partie avec 11 autres officiers d’un groupe surnommé les « Les douze salopards ». En 1997, il aurait dirigé une rafle sanglante parmi les membres du parti parti royaliste cambodgien, le FUNCINPEC. Neth Savoeun aurait pris la tête d’escadrons de la mort, responsables des assassinats de plusieurs membres et partisans du FUNCINPEC.
A la tête de la police nationale, il aurait également ordonné la répression par la violence des manifestations contre le régime de Hun Sen en 2013 et 2017.
Tous ces éléments figurent dans un rapport établi, après une longue série d’interviews, par l’ONG Human Rights Watch. Il a été rendu public en juin dernier.
La FIVB en avait-elle eu connaissance ? Mystère. Mais les révélations publiées par The Independent l’obligent aujourd’hui à réagir.
Visiblement gênée par l’affaire, l’organisation internationale présidée par le Brésilien Ary S. Graça avance sur des oeufs. Certes, le Cambodge ne compte pas parmi les places fortes du volley-ball mondial. Ses deux équipes nationales ne figurent pas au classement mondial de la FIVB, mais le pays accueille trois étapes du World Tour de beach volley, à Kampong Speu, Phnom Penh et Siem Reap.
Pas question pour la FIVB, donc, de fermer les yeux. Dans un communiqué, elle a rappelé qu’il était « important de ne pas préjuger » des allégations portées contre Neth Savoeun. Refrain connu. Elle a également promis de mener sa propre enquête sur les révélations du site britannique. Elle sera confiée à son comité d’éthique. Du déjà-vu, également.
« Bien que les fédérations nationales de volley-ball soient autonomes dans l’élection et la nomination de leurs dirigeants, la FIVB a récemment apporté des changements à ses statuts qui permettent à son comité d’éthique indépendant d’avoir tous les pouvoirs d’investigation et de décision relatifs aux affaires éthiques des officiels des fédérations membres, explique-t-elle dans un communiqué. Par conséquent, la FIVB transmettra toutes les informations pertinentes relatives à cette question au comité d’éthique. Il n’y aura pas d’autres commentaires de la FIVB tant que ses membres n’auront pas délibéré et abouti à une conclusion. »
Pour le directeur adjoint de Human Rights Watch en Asie, Phil Robertson, la présence même de Neth Savoeun à la tête du volley-ball cambodgien ne devrait pas être tolérée par la FIVB. « Connaissant ses antécédents en matière de répression sanglante des manifestations pacifiques, d’arrestations et de torture des opposants politiques, il est choquant qu’il ait été désigné pour présider la Fédération cambodgienne de volley-ball, a-t-il suggéré à The Independent. La FIVB devrait immédiatement exiger que le Cambodge le retire de cette fonction sportive. » Peu probable. Au moins dans l’immédiat.