Inédit. Dans l’univers olympique, la règle veut d’annoncer avec tambours et trompettes la signature d’un accord de partenariat. Les Japonais de Tokyo 2020 le font à un rythme quasi hebdomadaire. Mais il est plus rare que l’actualité relaie la non signature d’un contrat de sponsoring.
L’information n’est pas encore officielle, mais elle ne fait plus vraiment de doute : le groupe pétrolier Total ne rejoindra pas la liste, toujours réduite à un seul nom, BPCE, des partenaires « premium » des Jeux de Paris 2024. Son nom circulait pourtant depuis plusieurs mois comme un sponsor possible, voire probable. Il n’en sera pas.
Selon les informations du Monde, le PDG du groupe français, Patrick Pouyanné, aurait renoncé à s’engager dans l’aventure olympique. En cause, l’hostilité de la maire de Paris, Anne Hidalgo.
En discussion avec le COJO Paris 2024 depuis plusieurs mois, Total apparaissait comme un partant quasi certain. Les deux parties voulaient faire affaire. La signature semblait proche.
Patrick Pouyanné laissait encore entendre, le mois dernier, que la participation de son groupe au programme de marketing national des Jeux de Paris 2024 était en bonne voie. Il avait assuré à ses actionnaires avoir eu, selon des propos relayés par Le Monde, « des échanges très constructifs avec le comité d’organisation des Jeux olympiques et Tony Estanguet, qui ont conduit à la définition d’un cadre possible d’intervention ».
Mais Anne Hidalgo s’en est mêlée. Et l’affaire a capoté. Dans un premier temps, la maire de Paris a adressé le 22 mars dernier un courrier à Tony Estanguet pour lui rappeler que Paris 2024 doit être « exemplaire sur le plan environnemental et répondre aux plus hauts standards de transparence et d’éthique […] sur un modèle économique alliant sobriété budgétaire et création d’emplois locaux. »
Anne Hidalgo ne mentionne pas le nom de Total dans son courrier, mais elle insiste : « C’est dans ce même esprit partenarial que je tiens aujourd’hui à vous sensibiliser sur la nécessité d’appliquer nos ambitions communes à la sélection en cours par le COJO des sponsors privés de Paris 2024. »
Tony Estanguet a répondu. Début avril, il a tenu à rassurer la maire de Paris en rappelant son engagement pour des Jeux « neutres en carbone », grâce à l’utilisation de « 100% d’énergie renouvelable pour l’organisation et de 100% de solutions de mobilité propre pour les athlètes et les délégations. » Le président du COJO avait même juré ses grands dieux que le choix des partenaires ne viendrait jamais remettre en cause cette ambition et ces engagements.
Interrogé par FrancsJeux au début du mois dernier lors de SportAccord à Gold Coast, le directeur général de Paris 2024, Etienne Thobois, avait enfoncé le clou. « Nos ambitions en termes d’environnement n’ont pas changé, avait-il expliqué. Les enjeux environnementaux restent au cœur de notre problématique. Aujourd’hui, les grandes entreprises du domaine de l’énergie font partie de la solution. Ce qui est intéressant, pour nous, est de voir ce qu’elles peuvent mettre en place pour les Jeux de Paris 2024 en accord avec nos engagements. »
Soit. Mais Total n’en sera pas. Son PDG, Patrick Pouyanné, avait confié à la fin du mois dernier ses réticences. « Je ne souhaite pas être un sponsor qui soit cloué au pilori », avait-il lâché. Mercredi dernier, sa rencontre à l’Hôtel de Ville avec Anne Hidalgo a fini de le convaincre de jeter l’éponge.
Les motivations de la maire de Paris sont claires. En campagne pour sa réélection, elle doit composer avec les Verts, dont les candidats sont arrivés en tête dans plusieurs arrondissements de Paris aux dernières élections européennes. Sa position est politique.
Pour le COJO Paris 2024, le coup est rude. Il met fin à plusieurs mois de discussions avec l’un des groupes leaders de l’économie française, censé apporter un chèque de 100 à 150 millions d’euros dans les caisses. Mais l’équipe commerciale, désormais dirigée par Marlène Masure, devrait trouver sans mal une alternative plus sobre dans le secteur des énergies.
Le vrai problème est ailleurs. L’affaire Total révèle un dialogue heurté entre le COJO Paris 2024 et la Mairie de Paris. La campagne pour les municipales, prévues l’an prochain en France, ne fera rien pour l’apaiser.