La FINA vit des temps difficiles. L’an passé, l’entrée dans la piscine d’une organisation privée aux poches pleines et aux ambitions de grandeur, l’ISL, a menacé son hégémonie sur la natation mondiale.
Depuis ces derniers jours, les nageurs se mettent à leur tour à contester ses décisions et bousculer ses habitudes.
A Gwangju, en Corée du Sud, les Mondiaux de natation 2019 sont dominés depuis la fin de la semaine passée par la polémique Sun Yang. La nageur chinois, fortement soupçonné de dopage pour avoir brisé d’un coup de marteau un échantillon de son sang à l’occasion d’un test hors compétition effectué l’an dernier, a raflé le titre mondial sur 400 m, puis doublé la mise en empochant le 200 m.
Dimanche dernier, l’Australien Mack Horton, battu pour le titre en finale du 400 m, a refusé de partager le podium avec le Chinois, puis de lui serrer la main. Deux jours plus tard, le Britannique Duncan Scott a manifesté de la même façon son hostilité à l’égard de Sun Yang lors de la remise des médailles du 200 m.
Dans les deux cas, l’attitude des protestataires visait au moins autant le Chinois, triple champion olympique mais suspendu pour 3 mois pour dopage en 2014, que la politique de la FINA en matière de lutte antidopage. L’Américaine Lilly King, médaillée d’or à Gwangju sur 100 m brasse, ne s’y trompe pas : « Je ne pense pas que quelqu’un à la FINA défendra les athlètes, a-t-elle déclaré. Alors, les nageurs doivent se défendre eux-mêmes ».
Certes, la FINA n’a pas attendu pour sortir son manuel des sanctions. Elle a averti les trois nageurs. Mack Horton et Duncan Scott d’un côté, pour leur attitude sur le podium, Sun Yang de l’autre, pour avoir traité son rival britannique de « loser » pendant la cérémonie des médailles (photo ci-dessus).
Selon le Times, la FINA a même ajouté une nouvelle clause à son code de conduite, pour exiger des nageurs qu’ils « évitent strictement tout comportement offensant ou inapproprié envers les officiels, les autres concurrents, les membres de l’équipe et/ou les spectateurs pendant toute la durée de la compétition. »
Mais, à en juger par les propos de certains des leaders de la natation mondiale, il en faudra plus à l’institution présidée par Julio Maglione pour imposer calme et respect autour des bassins.
Exemple : Adam Peaty. Le nageur britannique, sacré à Gwangju sur 50 et 100 m brasse, ne retient pas ses critiques. « Nous sommes ici pour nager et nous n’allons pas participer à une discussion sur un code de conduite qui ne changera rien, a-t-il suggéré en Corée du Sud. Les athlètes doivent pouvoir exercer leur liberté d’expression. Quand nous pensons que quelque chose ne va pas et qu’il y a tricherie, pourquoi ne pourrions nous pas avoir notre mot à dire ? »
A Gwangju, Adam Peaty n’est pas le seul à prendre ouvertement position en faveur de Mack Horton et Duncan Scott. L’Australien Mitch Larkin, médaillé d’or mondial sur 100 et 200 m dos en 2015, se range lui dans le camp des deux nageurs. « Ce sont eux les plus courageux, confie-t-il. Je ne pourrais pas être plus fier d’eux deux. Ils défendent ce en quoi ils croient, à savoir un sport propre. Si nous n’y croyions pas, nous ne serions pas ici aujourd’hui. »
Les entraîneurs s’invitent eux aussi au débat. Dave Durden, le coach de l’équipe masculine des Etats-Unis, a confié au Washington Post, évoquant sans la citer la FINA et son attitude jugée laxiste en matière de lutte antidopage : « Si vous prenez du recul, que vous écoutez ou lisez tout ce qui se dit en ce moment, alors oui, vous voulez qu’on en fasse plus ».
A une année des Jeux de Tokyo 2020, le ton monte dans la natation mondiale. Les nageurs s’expriment et manifestent. Ils se font entendre. Il était temps.