Paradoxe. L’Australie a bouclé les Mondiaux 2019 à Gwangju, dimanche 28 juillet, avec 19 médailles dans sa musette pour les seules épreuves de natation course. Elle pointe au 2ème rang du classement des nations, derrière les Etats-Unis.
A une année des Jeux de Tokyo, difficile de rêver mieux. Mais son équipe nationale et sa fédération traversent une période de gros temps totalement inattendue et aux perspectives très incertaines.
En cause, la conjonction de deux événements aussi peu compatibles que l’eau et le feu.
En début de compétition, le nageur australien Mack Horton a fait sensation, et ouvert la porte à la polémique, en manifestant ouvertement son hostilité au Chinois Sun Yang, son vainqueur en finale du 400 m, soupçonné de dopage. Il a refusé de poser à ses côtés sur le podium pendant la cérémonie des médailles.
A Gwangju, la FINA n’a pas apprécié. Mais Mack Horton a reçu le soutien d’une partie de la natation mondiale, notamment du côté américain.
Problème : quelques jours plus tard, une autre membre de l’équipe australienne, Shayna Jack, a confirmé avoir été contrôlée positive au Ligandrol, un anabolisant très populaire dans le milieu des culturistes, à la suite d’un test hors compétition réalisé à la fin du mois de juin.
Depuis, la Chine se déchaîne contre la natation australienne. Plusieurs médias nationaux accusent l’Australie d’être un « citoyen de seconde classe de l’Occident » et de « suprématie blanche ». Mack Horton est qualifié de « clown ». Le nageur a même reçu des menaces sur Internet.
Shayna Jack, de son côté, se sert des réseaux sociaux pour clamer son innocence. Réfugiée dans sa famille à Brisbane, la jeune femme jure ses grands dieux ne pas avoir la moindre idée de la façon dont le produit interdit s’est retrouvé dans son organisme.
« Je n’ai pas beaucoup dormi et je ressens un sentiment de vide, a-t-elle confié dans un long message publié sur Instagram. Il me faut maintenant faire face au jugement de personnes qui ne me connaissent pas. »
Poignant. Mais en Chine, la campagne de dénigrement de l’Australie, jugée profondément hypocrite, a pris une nouvelle épaisseur. Sur Internet, les moqueries se multiplient à l’égard du pays, régulièrement qualifié de « nation de tricheurs ». Commentaire d’un internaute chinois : « Vous vous droguez et vous perdez la face. »
Rentré lui aussi en Australie, Mack Horton continue à se présenter en chantre de la lutte antidopage. « Ma position reste ferme : le sport propre doit être une priorité pour tous les athlètes, tous les sports et toutes les nations », a-t-il expliqué sur la chaîne Seven News.
Plus grave : la Fédération australienne de natation (Swimming Australia) était au courant du contrôle positif de Shayna Jack au moment où Mack Horton refusait de monter sur le podium au côté du Chinois Sun Yang après la finale du 400 m.
Leigh Russell, sa directrice exécutive, a reconnu qu’il lui avait été « difficile » d’assister à la sortie très médiatique de Mack Horton, sachant que l’affaire Shanya Jack allait bientôt éclater. « Je regardais Mack, affligée par ce qui allait arriver à Shayna et Mack dans les jours et les semaines à venir », a-t-elle confié.
Les dirigeants australiens savaient mais ils ont gardé le secret. Aujourd’hui, l’affaire leur revient en pleine figure. Selon les analyses de plusieurs experts australiens, elle pourrait même envenimer les relations diplomatiques entre l’Australie et la Chine, déjà très tendues depuis les accusations par Canberra de cyberespionnage et la détention en Chine d’un écrivain australien.