L’histoire est unique. Inédite dans l’histoire du sport, mais pour les mauvaises raisons. Pour la première fois, un pays organise un rendez-vous mondial dans une discipline olympique, sans être autorisé à engager un seul de ses athlètes.
Le « privilège » revient à la Thaïlande. Elle accueille depuis mercredi 18 septembre (jusqu’au samedi 27) les championnats du monde d’haltérophilie. La compétition se déroule à Pattaya, à deux heures de route au sud de Bangkok.
Pour un pays où les haltérophiles sont les seuls à porter les couleurs du drapeau sur les podiums olympiques, l’événement s’annonçait d’importance. A une année des Jeux de Tokyo, il était souligné d’un trait épais. A ce jour, la Thaïlande a décroché aux Jeux 5 médailles d’or en haltérophilie, 2 en argent et 7 en bronze. Aux Jeux de Rio 2016, les deux seuls titres olympiques de la Thaïlande ont été ramenés par deux haltérophiles féminines.
Seul ennui, mais de taille : le dopage. Aux championnats du monde 2018, organisés à Achgabat, pas moins de 9 leveurs de fonte thaïlandais ont été contrôlés positifs. Une hécatombe. Quelques mois plus tard, la Fédération thaïlandaise d’haltérophilie (TAWA) n’a pas eu d’autre choix que suivre le règlement de la Fédération internationale (IWF) et prononcer sa propre suspension des compétitions internationales.
Privée de l’événement, elle aurait pu mettre les pouces et renoncer à accueillir à Pattaya les Mondiaux 2019. Intarat Yodbangtoey, le président honoraire de la TAWA, en a décidé autrement. Explication : le Thaïlandais est premier vice-président de l’IWF, une position peu compatible avec un tel renoncement.
Au mois d’août dernier, Intarat Yodbangtoey a surpris son monde en annonçant son souhait de voir les haltérophiles thaïlandais n’ayant jamais été contrôlés positifs disputer les championnats du monde 2019. « Nos athlètes qui n’ont jamais été impliqués dans la moindre affaire de dopage se sont entraînés dur pour ces Mondiaux », a-t-il justifié. Une façon comme une autre de sauver un événement dont les médias nationaux se désintéressent. On les comprend.
Mais l’IWF n’a pas laissé les organisateurs entretenir le moindre espoir. L’institution internationale a répondu immédiatement par la négative. Pas un seul Thaïlandais aux Mondiaux de Pattaya.
Mercredi 18 septembre, la cérémonie d’ouverture du rendez-vous mondial a été marquée par un concert de tambours et d’instruments à vent traditionnels. La centaine de pays présents a défilé derrière les drapeaux nationaux. L’hymne national thaïlandais a été joué. Il ne le sera plus jusqu’au dernier soir de la compétition.
« Nous sommes très reconnaissants et heureux que la TAWA ait invité la grande famille de l’haltérophilie à ces championnats du monde, a suggéré Tamas Ajan, le président de l’IWF, dans son discours inaugural. L’événement est d’importance, avec 100 pays et plus de 600 compétiteurs venus des cinq continents. » Les Thaïlandais ont apprécié sans excès. Ils espéraient mieux.
Intarat Yodbangtoey ne renonce pas. Profitant d’une conférence de presse au premier jour des Mondiaux, il a répété son souhait de voir la suspension de sa fédération allégée. Le dirigeant thaïlandais a demandé à l’IWF l’autorisation d’envoyer une équipe de jeunes athlètes, juniors pour l’essentiel, participer aux prochains Jeux d’Asie du sud-est, prévus du 30 novembre au 11 décembre 2019 aux Philippines. La seule façon, à ses yeux, de « préparer la future génération. » La réponse de l’organisation internationale est attendue pour la semaine prochaine.
En attendant, les Mondiaux se poursuivent dans l’indifférence à Pattaya. La Thaïlande les attendait comme l’un des temps forts de l’année sportive. La fête a déjà mal tourné.