Très fort. Trop fort, peut-être. A Doha, mercredi 25 septembre, Sebastian Coe ne s’est pas seulement assuré un nouveau bail de 4 ans à la tête de l’athlétisme mondial, sans connaître la moindre angoisse à l’heure du scrutin.
Le Britannique, impeccable dans son costume bleu, a réalisé le score parfait. Il n’a pas laissé échapper une seule voix. Il a obtenu 203 voix sur les 203 votants présents au Sheraton Grand de la capitale du Qatar. Une victoire à la soviétique, pourront suggérer les esprits les plus critiques. Sans doute. Mais, précision d’importance, le vote s’est déroulé à bulletins secrets.
Très mesuré dans son émotion, Sebastian Coe s’est interdit toute marque de triomphe. Il a mis profil bas. Il a même demandé aux délégués de l’IAAF de se rasseoir après une courte standing ovation dans le décor d’un autre temps d’une salle de l’hôtel Sheraton aux dimensions de hall de gare.
Moins d’une heure plus tard, l’ancien miler s’est dit « flatté » et « reconnaissant » d’avoir obtenu des délégués présents à Doha une telle confiance. On peut le comprendre. Elu pour la première fois en 2015, face à Sergey Bubka, Sebastian Coe a vécu un premier mandat semé d’embûches. Il a parfois semblé trébucher, mais le vote de mercredi à Doha en dit long sur sa capacité à rassembler ses troupes dans le gros temps.
« Personne dans le sport n’a autant fait que nous contre le dopage et la corruption », a-t-il suggéré avant de rejoindre la famille de l’athlétisme mondial pour le déjeuner. De son propre aveu, Sebastian Coe aurait souhaité consacrer plus de temps à l’essence même de l’athlétisme : le stade et les athlètes. Mais les affaires l’en ont souvent détourné.
A son arrivée dans le bureau présidentiel, au siège de l’IAAF à Monaco, le Britannique a été contraint de gérer l’héritage plus que trouble des années Lamine Diack. Périlleux. Il y a perdu quelques proches, dont Nick Davies, l’ancien responsable de la communication. Mais il s’en est sorti sans dommage.
Il a ensuite hérité de l’affaire du dopage en Russie. Pas simple. A la différence du CIO, prompt à rétablir le comité olympique russe dès le lendemain des Jeux d’hiver de PyeongChang 2018, l’IAAF a maintenu une ligne dure. Aux Mondiaux de Doha, les 29 athlètes russes déclarés éligibles sont engagés en qualité de concurrents neutres, comme deux ans plus tôt aux championnats du monde à Londres. « Nous avons réussi à séparer les athlètes propres et le système corrompu », a résumé Sebastian Coe mercredi en conférence de presse.
Enfin, le Britannique a imposé contre l’avis d’une partie du milieu, et de la communauté scientifique, un nouveau règlement contraignant les athlètes hyperandrogènes à subir un traitement pour abaisser leur taux de testostérone. Caster Semenya l’a combattu devant les tribunaux. En vain. Mercredi 25 septembre, la Fédération sud-africaine d’athlétisme, premier soutien de la championne olympique du 800 m dans son combat contre l’IAAF, a donné sa voix à Sebastian Coe. Eloquent.
Son plébiscite, le président de l’IAAF l’attribue volontiers à un train de réformes aux allures de char d’assaut. Sous sa direction, l’organisation internationale a créé en 2017 l’Unité d’intégrité de l’athlétisme (AIU), une structure indépendante en charge des questions d’éthique et de la lutte contre le dopage. Elle a donné un coup de jeune au calendrier, avec une nouvelle version de la Ligue de Diamant annoncée pour 2020 et la création d’un circuit continental. Elle a donné naissance à un système de rankings, censé donner à la hiérarchie mondiale une meilleure visibilité.
« Après ces quatre premières années délicates, nous pouvons commencer à développer l’athlétisme, sensibiliser un public au-delà du monde de l’athlétisme et replacer le sport dans une perception de prestation et de service, a expliqué Sebastian Coe. Pour ce prochain mandat, j’espère pouvoir me concentrer vraiment sur l’essentiel, à savoir le terrain. »
La Russie, où les dernières découvertes de l’AMA font planer une possible suspension des Jeux de Tokyo 2020, lui en laissera-t-elle le loisir ? Pas sûr. Le Kenya, où le dopage s’apparente lui aussi à un phénomène de masse, pourrait à son tour s’inviter dans l’actualité. Sebastian Coe le sait. Mais il en a vu d’autres.