Chaude ambiance à Tokyo. A tous les sens du terme. A moins de 300 jours des Jeux de 2020, la dernière réunion de la commission de coordination pour l’année 2019 aurait dû couler comme un fleuve tranquille, entre visite des sites de compétition récemment terminés et louanges à l’égard d’un programme de marketing sans égal dans l’histoire.
Au lieu de cela, la visite de trois jours des envoyés de Lausanne (30 octobre au 1er novembre) prend des allures de bras de fer entre le CIO et le gouvernement de Tokyo. En cause, la décision de l’organisation olympique de déplacer le marathon et les épreuves de marche vers la ville de Sapporo, à 800 km au nord de la capitale, où les températures sont annoncées inférieures de 5 à 6 degrés à la période des Jeux.
Dans le camp japonais, la décision du CIO a été acceptée, non sans une pointe de résignation, par le comité d’organisation des Jeux. « Que pouvons-nous faire d’autre ? », a sobrement suggéré Yoshiro Mori, le président de Tokyo 2020.
Mais Yuriko Koike, la gouverneure de Tokyo, ne partage pas le fatalisme docile de l’ancien Premier ministre japonais. Elle l’a expliqué dès l’annonce de la décision du CIO. Depuis, elle ne décolère plus.
Mercredi 30 octobre, Yuriko Koike a ouvert les hostilités dès le premier jour de la réunion de la commission de coordination. « Nous avons moins de 9 mois devant nous avant le début des Jeux, nous entrons maintenant dans la phase finale de préparation, a-t-elle expliqué. A ce stade, une proposition aussi abrupte du CIO, sans discussion ou consultation préalable avec la ville-hôte, constitue un événement sans précédent. J’attends maintenant que le CIO m’apporte une explication détaillée du contexte et de la raison de ce changement, afin que tout cela puisse être parfaitement compris par les habitants de Tokyo. »
La gouverneure de Tokyo n’en démord pas : le marathon et la marche doivent rester dans la capitale. Elle insiste : « Au cours des 6 années qui se sont écoulées depuis que Tokyo a obtenu les Jeux de 2020, la municipalité et les habitants ont travaillé ensemble pour préparer l’événement, notamment en ce qui concerne les mesures à prendre pour faire face à la chaleur. Nous avons écouté et suivi les conseils des experts du CIO sur les questions médicales et de santé. Nous avons collaboré avec le comité d’organisation et les autres parties prenantes pour mettre en place plusieurs mesures concrètes. Je citerai la pose d’un revêtement spécial sur le parcours, l’installation de zones d’ombre, le changement des heures de début de certaines compétitions. Beaucoup de temps et d’argent ont été consacrés à tous ces efforts. »
Dans le camp d’en face, John Coates n’a pas la partie facile. Le dirigeant australien, président de la commission de coordination du CIO, se retrouve sur le banc des accusés. Il lui faut justifier une décision qui aurait été prise, selon les médias japonais, par Thomas Bach lui-même, après avoir assisté devant sa télévision au spectacle du marathon des Mondiaux de Doha, où la chaleur a renvoyé par le fond les espoirs d’un lot fourni de coureurs.
« La décision a été prise rapidement, après ce que nous avons vu à Doha », a reconnu John Coates en prenant un air d’excuse.
Sûrement. Mais il en faudra plus pour convaincre Yuriko Koike de la pertinence d’un tel changement, concernant certaines des rares épreuves accessibles sans billet. Selon AP, Yuriko Koike s’est adressée directement à Christophe Dubi, le directeur des Jeux olympiques au CIO, pour lui rappeler que l’organisation olympique avait salué les efforts de Tokyo pour lutter contre la chaleur.
« Ces efforts ont été évalués et validés par vous-même, Monsieur Dubi. N’est-ce pas ? », a-t-elle demandé. En guise de réponse, Christophe Dubi a acquiescé d’un signe de tête.
Le bras de fer n’en restera pas à ce premier échange verbal. John Coates l’a répété mercredi : la décision du CIO est prise, elle est ferme et définitive. Tout juste a-t-il confié qu’il ne quitterait pas Tokyo sans avoir répondu à toutes les questions des autorités et apporté aux habitants les explications qu’ils méritent. Pas simple.
Une réunion de travail doit se tenir vendredi 1er novembre, entre les envoyés du CIO, Yuriko Koike, Tokyo 2020 et les représentants du gouvernement japonais. Elle s’annonce tendue.
Reste une question : l’argent. Selon les estimations japonaises, la délocalisation du marathon et de la marche à Sapporo devrait coûter au minimum 280 millions d’euros.
Qui paiera ? Yuriko Koike a déjà exclu de dépenser un seul yen pour une opération qui lui est imposée. Yoshiro Mori, le président de Tokyo 2020, tient un discours assez semblable. « Le coût des Jeux de 2020 est devenu très important, nous serions vraiment dans la peine si nous devions y ajouter une telle dépense, explique-t-il. J’en ai parlé à M. Coates. Il m’a assuré qu’il allait s’en occuper. » Le CIO peut préparer son carnet de chèques.