Il fallait s’y attendre. En ouvrant la porte à un assouplissement de la règle 40 de la Charte olympique, le CIO a donné des idées aux athlètes du monde entier. Des idées, et surtout l’envie de profiter plus directement des bénéfices de leurs performances.
Un groupe d’une vingtaine d’athlètes britanniques, dont certains des plus grands noms de l’athlétisme anglais, a décidé de partir en guerre contre le comité national olympique (BOA). Ses membres se rangent derrière la silhouette massive du sprinteur Adam Gemili (photo ci-dessus). Ils réclament de pouvoir bénéficier, comme les Allemands, les Américains et les Australiens, d’un assouplissement de la règle 40. Ils menacent le BOA d’une action en justice.
Pour rappel, la règle 40 de la Charte olympique interdit aux athlètes d’utiliser leur nom, leur image et leurs performances pour toute opération commerciale pendant la période des Jeux olympiques. Le CIO l’a longtemps défendue avec acharnement, afin de protéger les intérêts des partenaires officiels des Jeux et du mouvement olympique.
En février dernier, un tribunal allemand a jugé la réglementation contraire aux lois de la concurrence. Le CIO a dû s’incliner devant son verdict. Une première fissure dans la forteresse.
Contraint de proposer une nouvelle approche, l’organisation olympique a joué l’éclatement. Elle a expliqué qu’il reviendrait désormais à chaque comité national olympique de décider de modifier, ou pas, l’application de la règle 40 pour les athlètes de son pays.
Les Australiens se sont rapidement engouffrés dans la voie ouverte par les Allemands. En octobre dernier, les Américains ont rejoint à leur tour le mouvement.
En Grande-Bretagne, Adam Gemili espérait obtenir pareille réussite. Membre de la commission des athlètes du BOA (British Olympic Association), le sprinteur a mené les débats au nom de ses pairs. En vain.
Face au refus du BOA de bousculer ses usages, une vingtaine d’athlètes britanniques mène la fronde. Parmi eux, Mo Farah, le quadruple champion olympique (5.000 et 10.000 m), aujourd’hui reconverti en marathonien, et Katarina Johnson-Thompson, la championne du monde en titre du 200 m.
« Aujourd’hui, je me joins à un groupe d’athlètes olympiques pour prendre position contre l’Association olympique britannique (BOA) concernant les restrictions sur le marketing très injustes aux Jeux olympiques, dénonce Adam Gemili dans un communiqué. Nous sommes extrêmement fiers de représenter la Grande-Bretagne mais, malheureusement, le BOA n’a jamais entendu nos appels à l’équité et à l’égalité sur cette question, à la différence d’autres comités nationaux olympiques qui ont soutenu leurs athlètes. »
Le Britannique poursuit : « Nous ne demandons pas de rémunération financière bien que, contrairement à la plupart des nations, nous ne recevons pas d’argent du BOA pour participer aux Jeux et remporter des médailles. Tout ce que nous demandons, c’est la parité sur la règle 40. Nous voulons des règles du jeu équitables, sur le terrain comme en dehors. Le BOA a le pouvoir de nous accorder les mêmes droits que nos homologues allemands. Mais il a choisi d’ignorer nos demandes, ce qui nous force à entamer une action en justice. »
Les protestataires ont remis en fin de semaine passée une lettre au BOA. Elle contient une requête en huit points. Les athlètes demandent notamment l’autorisation d’utiliser pendant la période couverte par la règle 40 de la Charte olympique les termes « médaille, or, argent, bronze, Jeux d’hiver ou d’été ». Ils souhaitent également pouvoir remercier publiquement leurs propres sponsors.
Le bras de fer s’annonce furieux. A moins de 250 jours des Jeux de Tokyo, les athlètes britanniques savent que leur initiative s’inscrit dans le cours de l’histoire.
En face, le BOA campe sur ses positions. « La règle 40 est inscrite dans la Charte du CIO, nous entendons bien la faire respecter sur notre territoire, a expliqué un porte-parole de l’organisation olympique. Cette règle nous permet de financer la préparation de tous les athlètes, quels que soient leur sport, leur statut ou leurs sponsors personnels. »