La course aux sports additionnels pour les Jeux de Paris 2024 l’a abandonnée en cours de route. Elle figurait pourtant parmi les candidats les plus solides. Mais la pétanque respire encore. Elle poursuit même à son rythme, patient mais régulier, un développement de plus en plus international.
Avec quels moyens et quelles ambitions ? Pense-t-elle toujours à un avenir olympique ? Claude Azema, le président de la Confédération mondiale des sports de boules (CMSB), a répondu aux questions de FrancsJeux, en marge des championnats du monde de pétanque féminins et des jeunes, organisés cette semaine à Phnom Penh, au Cambodge.
FrancsJeux : Le choix du Cambodge comme pays hôte du Mondial féminin et des jeunes 2019 peut surprendre. Que représente la pétanque dans cette région du monde ?
Claude Azema : Elle occupe une très grande place dans le paysage sportif en Asie du sud-est. Au Cambodge, la pétanque a été introduite et développée par les Français. Même chose au Laos. En Thaïlande, la famille royale a découvert sa pratique au début du siècle dernier, lorsqu’elle résidait à Lausanne. Dans l’armée thaïlandaise, les heures d’entraînement sont comptabilisées comme des heures officielles d’exercice. La discipline est également jouée à l’école, tout comme au Vietnam et en Malaisie. A Phnom Penh, les aires de jeu ne sont pas assez vastes pour accueillir tous les pratiquants.
La pétanque est-elle devenue un sport universel ?
Son développement international se poursuit sans temps mort. La CMSB recense actuellement 112 pays. Nous avons enregistré cette année une demi-douzaine de nouvelles fédérations nationales.
Où se situent les nouveaux territoires de pratique ?
A l’est. En Asie, notamment. Chine, Taipei, Corée du Sud, mais aussi Iran, Irak et Afghanistan. Les républiques de l’ancienne Union Soviétique s’y mettent également. Aujourd’hui, les deux tiers des pays membres de l’Association des comités olympiques asiatiques (OCA) sont membres de la CMSB. Dans un avenir proche, l’Amérique du Sud constituera un nouvel axe de développement.
Avez-vous les moyens d’un tel développement international ?
Nos moyens sont très limités. J’ai coutume de dire que notre budget annuel représente 11 minutes de celui de l’UEFA ! Nous le consacrons pour une bonne partie à la formation, en envoyant des cadres dans les pays où la pratique émerge et se développe. En Asie, par exemple, nous avons conclu des accords avec les fabricants thaïlandais de boules. Nous disposons ainsi de 2 à 3.000 jeux gratuits par an, nous les envoyons dans les pays où le matériel est insuffisant.
En Europe, la pétanque affiche plutôt l’image d’un sport d’anciens, peu présent parmi les jeunes générations. Qu’en est-il dans le reste du monde ?
En Asie, la pratique est trop récente pour avoir pu créer une génération d’anciens joueurs. En Inde, par exemple, la moyenne d’âge de l’équipe nationale dépasse à peine 17 ans. Les gens débutent à l’école. Chez les jeunes, les meilleures nations mondiales sont actuellement la France, la Thaïlande et Madagascar.
Cette image d’un sport d’anciens explique-t-elle l’échec de la pétanque dans la course aux sports additionnels pour les Jeux de Paris 2024 ?
Je ne crois pas. En réalité, je ne pense qu’il ait réellement manqué quelque chose à la pétanque, selon les critères présentés. Sur les quatre sports choisis, trois figurent au programme des Jeux de Tokyo 2020 (surf, escalade et skateboard). Le CIO souhaitait une certaine continuité. Le quatrième, le breakdance, était également poussé par le CIO. La pétanque répondait aux critères d’universalité, d’intérêt du public et de potentiel de médailles pour la France. Nous avions proposé de faire disputer la compétition au Carrousel du Louvre. Il aurait été logique que la pétanque soit choisie, avec seulement 32 athlètes en compétition, et une parfaite mixité, mais nous ne vivons pas de regrets. Nous sommes passés à autre chose.
Sans l’accélérateur des Jeux de Paris 2024, comment allez-vous poursuivre votre développement ?
Nous ne serons pas au programme des Jeux olympiques, mais nous entendons bien surfer sur l’effet Paris 2024. Nous allons profiter de l’opération « Terre de Jeux 2024 » pour multiplier les occasions de faire de l’initiation sur l’ensemble du territoire français. Nous voulons aussi travailler sur l’image de nos disciplines, pour la rajeunir, et développer notre présence médiatique à l’international. Et puis, les Jeux olympiques ne sont pas tout. La pétanque est présente presque partout ailleurs : Jeux Africains, Jeux Mondiaux, Jeux d’Asie de plage, Jeux d’Asie du sud-est, et bientôt sans doute Jeux Asiatiques.
Tenterez-vous une nouvelle fois votre chance pour les Jeux de Los Angeles en 2028 ?
Je ne serai plus président de la fédération internationale, mais je ne crois pas. Aujourd’hui, un tel projet n’est pas à l’ordre du jour. La pétanque n’est pas très développée aux Etats-Unis. Et j’ai le sentiment que les Américains de Los Angeles 2028 seront plus puissants pour imposer leurs propres choix au CIO.