Vladimir Poutine lui-même a prévenu : la Russie a « toutes les raisons de constituer un dossier d’appel » après la décision de l’AMA de suspendre le pays pour une période de 4 ans. Pas question de baisser les bras. Le chef de l’Etat précise : « Ce qui est important, c’est que ce dossier soit examiné par des spécialistes, des avocats qui s’entretiendront avec nos partenaires qui ont toutes les informations nécessaires. »
Deux jours après la décision du comité exécutif de l’AMA, le dossier russe est donc loin d’être refermé. Le feuilleton continue. Malgré tous les avis entendus depuis lundi 9 décembre, il reste impossible aujourd’hui d’en prédire le résultat. Pour préparer leur défense devant le TAS, les avocats russes se pencheront sur la question du droit. A ce jeu, tout est possible.
En attendant, les voix des athlètes russes se font entendre. Elles sont parfois dissonantes. Preuve d’un changement de tendance, les femmes s’expriment les premières.
En tête de liste, une habituée. Mariya Lasitskene, la triple championne du monde du saut en hauteur, a choisi de le faire par la voie de l’écrit. « Je suis une championne du monde russe et j’exige des réponses », avance-t-elle dans une lettre ouverte publiée par le Moscow Times. L’athlète s’en prend une nouvelle fois aux dirigeants du sport russe, en particulier ceux de la Fédération d’athlétisme (RusAF), qu’elle accuse de ne pas avoir su apprendre de leurs erreurs.
« Pourquoi pratiquement rien n’a changé ? Pourquoi nos athlètes continuent d’utiliser systématiquement des substances interdites, les entraîneurs liés au dopage continuent-ils de travailler dans l’impunité et nos responsables continuent-ils de falsifier des documents officiels ? Je suis une athlète russe, et je devrais avoir le droit de participer librement aux compétitions sous les couleurs russes. Mais je suis privée de drapeau depuis 2015. Et je ne le retrouverai pas avant 2024. »
La sauteuse en hauteur, privée des Jeux de Rio 2016 où le titre olympique lui tendait les bras, ne critique pas la décision de l’AMA. Elle rejette la faute sur ses propres dirigeants. Elle demande un vaste nettoyage dans les institutions sportives de son pays.
A l’opposé de Mariya Lasitskene, Yelena Isinbayeva (photo ci-dessus) condamne sans nuance la sanction imposée à la Russie. La double championne olympique du saut à la perche, retraitée de l’athlétisme depuis 2016, passe pour une proche de Vladimir Poutine. Elle siège à la commission des athlètes du CIO.
« Personne ne s’attendait à un résultat en faveur de la Russie après la surinformation des deux dernières semaines, écrit-elle sur son compte Instagram. Ces sanctions sont cruelles, injustes, monstrueuses et assassines pour le sport russe. Nous déciderons collectivement si nous devons accepter les choses telles qu’elles sont ou si nous les contesterons devant le TAS. La prochaine réunion de l’exécutif de la RUSADA sera le point de départ d’une éventuelle riposte. »
L’ex perchiste enfonce le clou : « Il est difficile pour moi de savoir si l’AMA protège les droits des athlètes russes propres en leur demandant de concourir sous une bannière neutre. »
Entre les deux camps, Yulia Efimova adopte une posture plus individualiste. La nageuse russe, double médaillée d’argent aux Jeux de Rio 2016, annonce la couleur : elle se défendra avec ses avocats. Elle protégera sa carrière et son avenir d’athlète.
Précision d’importance : Yulia Efimova (photo du haut) avait été initialement exclue des Jeux de Rio 2016, pour avoir été impliquée plus tôt dans sa carrière dans une affaire de dopage et suspendue 16 mois entre 2013 et 2015. Elle avait fait appel devant le TAS. La juridiction basée à Lausanne lui avait donné raison. Aux Jeux de Rio, elle a décroché la médaille d’argent sur 100 et 200 m brasse.
« Je suis décidée à agir de la même façon que pour les Jeux de 2016, a-t-elle assuré. J’ai déjà engagé un avocat. Il y a une règle selon laquelle une personne ne peut pas être punie deux fois pour la même infraction. Si vous violez un code de la route ou si vous êtes à l’origine d’une bagarre, vous ne serez pas puni deux fois pour cela. J’espère que cela fonctionnera, même si je n’en suis pas certaine. »
« C’est vrai, j’ai déjà commis une infraction aux règles antidopage, poursuit la nageuse russe. Mais un grand nombre d’athlètes américains et européens se trouvent dans une situation similaire. Ils peuvent pourtant concourir sans aucune restriction. Lorsqu’un règlement est mis en place, il doit être appliqué de la même manière à tous les athlètes, pas seulement aux Russes. » En 2020, les avocats russes ne manqueront pas de travail. Le TAS, de son côté, devrait crouler sous les dossiers.