Le CIO n’oublie pas les réfugiés. Après leur avoir ouvert la porte de l’univers olympique, aux Jeux de Rio 2016, il entend bien leur donner une meilleure place l’an prochain à Tokyo 2020. La délégation des réfugiés comptera un plus grand nombre d’athlètes. A la cérémonie d’ouverture, elle défilera pour la première fois de l’histoire en deuxième position, juste derrière la Grèce.
A sa tête, Tegla Loroupe (photo ci-dessus). L’ex marathonienne kényane était la cheffe de mission de l’équipe des réfugiés aux Jeux de Rio 2016. Elle le sera encore l’été prochain à Tokyo. Présente la semaine passée au Forum international Peace and Sport à Monaco, elle a répondu aux questions de FrancsJeux.
FrancsJeux : La commission exécutive du CIO a décidé au début de ce mois que l’équipe des réfugiés défilerait en deuxième position à la cérémonie d’ouverture des Jeux de Tokyo 2020. Quelle est la réelle signification d’une telle décision ?
Tegla Loroupe : Aux Jeux de Rio 2016, nous avions défilé en avant-dernière position, juste avant le pays-hôte, le Brésil. Cette fois, nous serons deuxièmes derrière la Grèce. Pour cette équipe et pour ces athlètes, ce changement constitue tout à la fois un honneur et une reconnaissance. Aujourd’hui, la communauté des réfugiés constitue un pays comme un autre. Mais le public ignore qui sont ces athlètes, d’où ils viennent, par où ils sont passés. Aux Jeux de Tokyo, ils seront encore plus visibles. Le monde pourra encore mieux les découvrir.
Combien seront-ils ?
Aux Jeux de Rio, il était surtout question de montrer au monde que les réfugiés pouvaient participer à une grande compétition sportive. Quatre ans plus tard, à Tokyo, nous voulons démontrer qu’ils peuvent aussi être performants. Après les Jeux de Rio, les réfugiés présents au Brésil sont retournés à l’entraînement convaincus qu’ils pouvaient atteindre une finale, voire remporter une médaille.
Mais avez-vous déjà un nombre de sélectionnés ? Le CIO vous a-t-il fixé une limite à atteindre ou ne pas dépasser ?
Actuellement, le groupe de réfugiés dont je m’occupe à Nairobi compte 35 athlètes, seulement pour la course à pied. Mais nous aurons aussi des spécialistes des concours, notamment des Soudanais. Ils sont très grands, ils peuvent réussir au saut en hauteur. Je m’occupe également d’un taekwondoïste. Il est très performant. Il a été accepté par l’équipe nationale du Kenya pour partager son entraînement. Le CIO ne m’a fixé aucune limite quant aux nombre de sélectionnés. En athlétisme, la dernière opportunité de qualification se tiendra au mois de mars à Doha. Nous verrons alors combien de réfugiés ont réalisé les minima imposés par World Athletics. Mais une chose est sûre : la délégation sera plus importante que pour les Jeux de Rio 2016.
Le Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU organise à Genève, aujourd’hui et demain, le premier Sommet mondial des réfugiés. Qu’attendez-vous d’un tel événement ?
Toute initiative est bonne prendre. Les réfugiés n’ont pas vocation à vivre avec ce statut toute leur vie. Le Sommet de Genève constitue une plateforme. Elle doit nous permettre de parler aux leaders politiques des grandes nations de la situation des réfugiés dans le monde et des raisons qui les ont poussés à quitter leur pays. A Genève, cette semaine, nous allons nous asseoir tous ensemble et nous allons essayer de faire passer notre message.
Que sont devenus les athlètes membres de l’équipe des réfugiés aux Jeux de Rio 2016 ?
Je suis leur mère et leur sœur à tous, je continue à les suivre, je sais où ils sont. L’un d’eux est installé en Belgique où il a obtenu le statut de citoyen du pays. Les cinq réfugiés qui étaient au Kenya à l’époque des Jeux de 2016 vivent toujours dans mon pays. Ils vont à l’école. Ils s’entraînent. L’un a même obtenu une bourse universitaire pour poursuivre ses études. Leur vie a beaucoup changé, mais ils n’ont pas oublié d’où ils viennent. La plupart d’entre eux sont devenus des ambassadeurs pour les réfugiés du monde entier. Ils voyagent régulièrement pour s’exprimer et témoigner un peu partout dans le monde.
L’équipe des réfugiés a été très médiatique aux Jeux de Rio 2016. Elle le sera certainement encore l’an prochain à Tokyo. Mais que se passe-t-il entre les Jeux ? Sont-ils oubliés des médias ?
Pas du tout. Les sollicitations restent très nombreuses. Personne ne les a oubliés. Les médias continuent à suivre leur parcours. L’un des réfugiés présents au Kenya a été invité en août dernier à prendre la parole dans un forum au Japon. Nous devons même parfois leur rappeler qu’ils doivent se consacrer avant tout à leur entraînement et à leurs études, tant les sollicitations sont fréquentes.