Il est arrivé sous un parapluie, les mains vides et l’air grave. Il est reparti tout aussi léger, nettement plus tôt qu’il l’aurait imaginé. Le procès de Lamine Diack, l’ex président de la Fédération internationale d’athlétisme, s’est ouvert lundi 13 janvier à Paris. Pour se refermer aussitôt.
A la surprise de tous, l’audience tant attendue a été reportée au mois de juin, au plus tôt. La 32e chambre correctionnelle du tribunal de Paris n’a pas eu d’autre choix que renvoyer les deux camps sans avoir pu avancer d’un pouce.
En cause, un double problème de procédure. La présidente de la chambre correctionnelle, Rose-Marie Hunault, l’a annoncé peu de temps après l’ouverture du procès. Elle ne s’y attendait pas. Elle n’a pas semblé apprécier.
Premier couac : une série de documents arrivés le jour même entre les mains du parquet financier. Le dossier est volumineux. Il contient le compte-rendu d’une audition de Papa Massata Diack, le fils de l’ancien président de l’IAAF, l’un des principaux protagonistes de l’affaire, sinon le principal. Il a été entendu par un juge du tribunal de Dakar le 4 novembre dernier.
Dans le même lot d’actes d’enquête figurent également des documents bancaires. Ils sont liés aux mouvements de fonds opérés sur les comptes de trois sociétés derrière lesquelles apparaît le nom de Papa Massata Diack : Pamodzi Sports Consulting, PMD Consulting et Sporting Age. Leur contenu pourrait se révéler explosif.
La justice sénégalaise s’est longtemps refusée à coopérer à l’enquête du parquet financier français. A l’évidence, elle a changé de position. Le timing peut sembler surprenant, voire douteux. Selon l’Equipe, citant les procureurs, il serait pourtant normal : le courrier a transité par l’ambassade de France à Dakar, avant de passer par le ministère des Affaires étrangères, et parvenir enfin au parquet financier.
« Ces pièces, nous les avons reçues physiquement ce matin, nous n’avons pas pu les étudier, s’est justifié l’un des procureurs financiers, Arnaud de Laguiche. Nous ne pouvons pas faire comme si ces pièces n’existaient pas. »
Autre problème de procédure, plus étonnant dans le cadre d’une affaire ayant débuté en 2016 : l’accusation de « recel d’abus de confiance » à l’encontre de Papa Massata Diack ne figure pas dans sa mise en examen. Etrange.
En attendant, le procès tant attendu a pris les allures d’un faux départ. Les deux camps sont repartis du tribunal comme ils étaient venus. Ils se reverront, mais la suite s’écrit encore au conditionnel.
Une audience dite de « mise en état » a été au fixée au 27 avril. Le procès, quant à lui, pourrait se dérouler du 3 au 22 juin 2020. Dans l’intervalle, un nouveau juge sera nommé. Il devra éplucher les nouvelles pièces apportées au dossier. Elles devraient entraîner l’organisation d’une série d’auditions supplémentaires.
A en croire l’avocat d’un des accusés, Habib Cissé, la procédure ne sera jamais bouclée en six mois. Elle pourrait durer deux ou trois fois plus longtemps.
Silencieux à son arrivée au tribunal, où il a refusé de répondre aux questions des médias, Lamine Diack s’est adressé à la juge pour demander une levée partielle de contrôle judiciaire. Il a expliqué souhaiter pouvoir voyager, au moins une dernière fois, pour rendre visite à son frère. « Il vient de fêter son centenaire. Je reviendrai », a plaidé le Sénégalais. Le tribunal de Paris a refusé.
À 86 ans, Lamine Diack devra donc rester en France, où il est assigné à résidence depuis la fin de l’année 2015. Il risque jusqu’à 10 ans de prison et une lourde amende.
Le report du procès lui accorde un répit. Mais la suite ne s’annonce pas à son avantage. Les nouveaux documents obtenus lundi 13 janvier par le parquet financier pourraient alourdir encore les charges.
Papa Massata Diack, de son côté, continuera à observer l’évolution de l’enquête depuis Dakar. Il ne s’est pas présenté au tribunal de Paris, lundi 13 janvier. Il ne le fera pas plus dans 6 mois ou un an. Selon une source proche du milieu olympique, il serait prêt à « tout balancer » dans l’hypothèse où les choses tourneraient mal pour son père. La déflagration pourrait alors faire vaciller une partie du mouvement sportif international, y compris au sein du CIO.