Un pongiste succède à un escrimeur à la tête du sport russe. Oleg Matytsin, 55 ans, a été choisi par le nouveau Premier ministre du régime de Moscou, Mikhail Mishustin, pour s’installer dans le fauteuil large mais peu confortable de ministre des Sports.
Il remplace Pavel Kolobkov, qui a remis sa démission la semaine passée, avec l’ensemble du gouvernement, après le discours de Vladimir Poutine sur l’état de la nation.
En d’autres temps, le changement de casting dans les bureaux du Kremlin aurait pu sembler anecdotique pour le mouvement sportif international. Un nouveau ministre, rien de plus. Mais la menace d’exclusion pour 4 ans du sport russe, de ses athlètes et de ses organisations, lui donne une dimension quasi planétaire.
Oleg Matytsin (photo ci-dessus, avec Vladimir Poutine) est tout sauf un inconnu dans l’univers olympique. Certes, son passé sportif souffre de la comparaison avec Pavel Kolobkov, médaillé d’or à l’épée aux Jeux de Sydney en 2000. Joueur de tennis de table au temps de l’URSS, il n’a jamais atteint le plus haut niveau mondial. Et encore moins connu l’ivresse des Jeux, sa discipline étant devenue olympique aux Jeux de Séoul, à la fin de sa carrière. Mais le nouvel homme fort du sport russe présente des états de service de dirigeant international autrement plus solides que son prédécesseur.
Primo, il préside la Fédération internationale du sport universitaire (FISU). Le Russe en a hérité les clefs en novembre 2015, pour un premier mandat de 4 ans. Il les a conservées l’an passé pour un nouveau bail, après une réélection vécue sans la moindre angoisse, aucun rival n’ayant osé lui contester la place.
Oleg Matytsin est également membre du Conseil présidentiel de la Fédération de Russie, où il a la responsabilité du développement de la culture physique et du sport.
Surtout, le nouveau ministre des Sports a ses entrées au siège du CIO à Lausanne, où est installé le siège de la FISU. Il compte parmi les membres de la commission de l’Education de l’institution olympique. Il siège également au comité international pour le fair-play.
Sur le papier, un profil impeccable pour mener la délicate bataille engagée par la Russie devant le TAS, dans l’espoir de lui éviter de vivre les quatre prochaines années à l’écart de la scène sportive internationale.
Selon l’agence Novosti, Oleg Matytsin aurait l’intention de conserver son poste de président de la FISU, malgré sa nouvelle charge ministérielle. Pas forcément une mauvaise idée pour garder un pied dans le mouvement olympique, à un moment décisif pour l’avenir du sport russe.
Autre promu de la semaine : Dmitry Chernyshenko. L’ancien patron du comité d’organisation des Jeux de Sotchi 2014 entre lui aussi au gouvernement. Il a été choisi par Mikhail Mishustin pour occuper l’un des neuf sièges de vice Premier ministre, en charge des Sports. Il préside actuellement la branche média du groupe Gazprom.
En revanche, un nom disparaît de l’affiche. Vitaly Mutko, ministre des Sports entre 2008 et 2016, impliqué jusqu’au cou dans le scandale de dopage des Jeux d’hiver de Sotchi, compte parmi les perdants de la semaine. Il a perdu son poste de vice Premier ministre, après avoir été contraint d’abandonner au cours des dernières années la présidence du Mondial de football 2018 et de la Fédération russe de football.
A six mois des Jeux de Tokyo 2020, où la présence de la Russie reste très conditionnelle, l’arrivée d’Oleg Matytsin ne suffira peut-être pas à inverser le cours de l’histoire. Pour le sport russe, la bataille à venir s’annonce en effet plus juridique que politique. Mais le choix du Kremlin de lui confier les clefs du stade marque une volonté de rupture avec le passé. Il était temps.