L’année 2020 s’annonce cruciale pour Tony Estanguet et le comité d’organisation des Jeux de Paris 2024. Elle est une année charnière, le passage d’une olympiade à l’autre. A partir du mois de septembre, les regards du mouvement olympique se déplaceront de Tokyo à la capitale française.
Tony Estanguet le sait. Mais la perspective de basculer d’un état à un autre ne dérègle pas son sens de l’équilibre et de la mesure. En ce début d’année, il s’est confié longuement à FrancsJeux, sans un mot plus haut que l’autre, mais avec conviction et détermination. Un entretien publié en deux volets. Première partie.
FrancsJeux : En ce premier mois de l’année, quel dossier posez-vous en tête de pile sur votre bureau de président du COJO Paris 2024 ?
Tony Estanguet : L’année 2020 est importante, mais elle ne marquera pas de rupture avec 2019. Nous serons dans la continuité de l’an passé, avec un objectif : être prêts pour entrer dans notre olympiade. Les trois premières années, nous avons posé les fondations pour pouvoir basculer dans la phase opérationnelle de livraison des Jeux. Elle n’a pas encore commencé. 2020 est la dernière année pour affiner notre plan de livraison et d’organisation des Jeux.
Malgré tout, vous avez établi des priorités…
Bien sûr. La première concerne le volet sportif. Il reste à décider du programme des sports et du choix de certains sites. Le CIO est en train de lancer auprès des 28 fédérations internationales un questionnaire sur les épreuves à médailles aux Jeux de Paris 2024. Il faut s’attendre à des changements, notamment en natation, athlétisme, gymnastique…
Avec l’ajout ds sports additionnels, il faudra retrancher des épreuves. Aurez-vous votre mot à dire ?
Je pense, oui. Pour l’ajout de nouvelles épreuves, nous sommes forcément concernés, surtout si cela entraîne une augmentation des coûts. J’aimerais être quasiment calé sur ces questions à la fin de l’année 2020, même si je sais qu’on ne le sera pas. Il y aura toujours des changements, mais l’idée est que cela reste à la marge, pour ne pas impacter les coûts. Avec le CIO, nous sommes en train de réfléchir à la possibilité de sous-traiter certains aspects de l’organisation à des opérateurs extérieurs.
Ça serait une grande première ?
Je ne sais pas. Mais nous y réfléchissons. Dans un équipement sportif où se déroulent régulièrement des événements, on peut se demander si cela se justifie pour nous de recruter des équipes et de les former, plutôt que s’appuyer sur des compétences déjà en place. La question se pose. Cela permettrait de réduire les coûts et de faire travailler le milieu.
Quelle est la deuxième priorité ?
L’héritage. Depuis le début, nous essayons d’anticiper au maximum la question de l’héritage, pour voir comment les Jeux peuvent laisser une trace sur la place du sport dans la société, mais aussi en matière d’éducation, de santé, d’environnement. En 2020, nous voulons réfléchir et travailler sur la façon dont Paris 2024 peut contribuer à ces grandes questions. On a déjà lancé des choses, comme la semaine olympique à l’école, la journée olympique, le label Terre de Jeux, mais il faut encore monter en puissance. Nous allons beaucoup utiliser le tremplin des Jeux de Tokyo 2020, où la couverture médiatique sera très importante, pour accélérer sur la communication en direct vers le grand public. Nous l’avons peu fait au cours des deux premières années, mais les Jeux de Tokyo vont nous permettre de commencer à engager la population.
Vouz le ferez dès les Jeux de Tokyo, ou vous attendrez le vrai début de l’olympiade ?
Nous le ferons autour des Jeux de Tokyo. Tout n’est pas encore calé, mais Tokyo 2020 constituera une étape clé pour nous adresser en direct aux Français.
L’année 2020 sera marquée, sur le plan politique, par les élections municipales. Quel impact peuvent-elles avoir sur les Jeux de Paris 2024 ?
Ces élections ne seront pas les premières que nous aurons à affronter. Je crois que nous avons su trouver l’équilibre dans notre organisation, avec un modèle où le mouvement sportif est majoritaire. La coopération entre toutes les parties prenantes, dont les acteurs publics, a été la clef de notre victoire en phase de candidature. Elle reste très forte.
Mais que se passera-t-il si les acteurs changent, notamment à la Mairie de Paris ?
On s’adaptera. Notre rôle n’est pas de nous immiscer dans les échéances électorales. Mais nous sommes prêts à faire face aux éventuels changements. Nous l’avons déjà fait. François Hollande a lancé la candidature, puis Emmanuel Macron est arrivé. Ça n’a pas perturbé le projet. Je suis très serein, car le projet est fort et surtout stable dans sa gouvernance. Le travail a été fait en 2018. La matrice des responsabilités entre les uns et les autres est posée.