Les Japonais n’ont pas peur des mots. A la différence du CIO, dont le discours officiel reste enveloppé d’un même optimisme béat, les organisateurs des Jeux de Tokyo 2020 ne craignent plus d’évoquer le pire. Ils parlent de report. Ils suggèrent des dates.
Haruyuki Takahashi l’a fait cette semaine. Ses propos font grand bruit. Le Japonais s’est exprimé sur le sujet à l’occasion d’une interview au Wall Stret Journal. Il a expliqué qu’il serait très difficile d’annuler les Jeux de Tokyo, en raison de l’impact catastrophique sur l’économie du pays, mais qu’il n’était pas exclu de reporter l’événement d’une ou deux années.
Haruyuki Takahashi n’est pas n’importe qui. Ancien cadre dirigeant du groupe Dentsu, actuel président de Commons, il siège parmi les 25 membres du conseil exécutif des Jeux de Tokyo 2020. Il a rejoint l’organisation en juin 2014.
Le Japonais l’a expliqué : le conseil exécutif du comité d’organisation n’a pas formellement évoqué le scénario d’un report. Sa dernière réunion remontant au mois de décembre, avant le début de l’épidémie, il n’a pas discuté de l’impact du coronavirus sur les Jeux de Tokyo 2020.
Mais Haruyuki Takahashi est formel : une annulation serait impossible. Le préjudice financier serait colossal. Une étude menée par SMBC Nikko Securities, révélée par l’agence Kyodo News, estime que l’annulation des Jeux de Tokyo 2020 entraînerait une baisse de 1,4% du produit intérieur brut (PIB) du Japon. Elle lui coûterait plus de 65 milliards d’euros et provoquerait une chute du revenu national de 24% par rapport à l’exercice 2019.
A défaut d’annulation, un report serait possible. Mais il devrait être radical. « Je ne pense pas que les Jeux puissent être annulés, a confié Haruyuki Takahashi au Wall Street Journal. S’il le fallait, nous envisagerions plutôt un report. Le CIO ferait face à trop de problèmes en cas d’annulation. Notamment en ce qui concerne les droits américains de retransmission télé. Le meilleur scénario serait un report des Jeux d’un an ou deux. »
Toujours selon Haruyuki Takahashi, une équipe du comité d’organisation plancherait actuellement sur la faisabilité d’un tel scénario. Son rapport pourrait être présenté à la prochaine réunion du conseil exécutif, prévue à la fin du mois de mars.
Silencieux sur le moment, le comité d’organisation a pris son temps pour réagir aux propos de Haruyuki Takahashi. Mais il l’a fait sans s’écarter de la voie officielle. « Nous avons demandé des éclaircissements à M. Takahashi, a-t-il précisé à FrancsJeux. Il a déclaré avoir donné par inadvertance son opinion personnelle en réponse à une question hypothétique. Comme l’a déclaré l’autre jour le président du CIO, M. Bach, ni le CIO ni le comité d’organisation n’envisagent de reporter ou d’annuler les Jeux de Tokyo 2020, et nous poursuivons nos préparatifs pour une ouverture des Jeux le 24 juillet 2020 en toute sécurité, comme prévu. »
Les Jeux de Tokyo pourraient-il avoir lieu en 2021 ou en 2022 ? Pourquoi pas. A en croire certains experts, le report d’une année à la même période ne serait pas anodin en termes de logistique, mais il pourrait satisfaire les diffuseurs.
Haruyuki Takahashi n’est pas le premier officiel japonais a osé prononcer le mot report. La ministre des Jeux olympiques, Seiko Hashimoto, avait glissé le mot la semaine passée, à l’occasion d’un discours devant les parlementaires. Après avoir relu le contrat de ville-hôte signé sept ans plus tôt avec le CIO, elle avait assuré qu’il serait possible d’organiser les Jeux avant la fin de l’année 2020.
Seiko Hashimoto était ensuite revenue sur sa prédiction. Elle avait suggéré que le report des Jeux à l’automne ou en début d’hiver serait « inacceptable » pour les athlètes. Mais l’idée fait son chemin.
A Lausanne, le CIO reste droit dans ses bottes. Thomas Bach a répété une nouvelle fois, au début de ce mois, que les Jeux de Tokyo débuteraient comme prévu le 24 juillet. A ce stade de l’épidémie, l’organisation olympique ne veut pas précipiter sa décision. Selon plusieurs sources internes, elle devra être prise avant la fin du mois de mai. Avant, elle serait prématurée. Plus tard, l’attente serait intenable.