Difficile à comprendre. A 130 jours de l’ouverture présumée des Jeux de Tokyo 2020, les autorités japonaises continuent d’avancer dans la tempête sans changer d’une virgule leur discours officiel.
Shinzo Abe, le premier Ministre, a encore répété au cours du dernier week-end que les Jeux de 2020 se dérouleraient aux dates prévues. « Nous voulons organiser les Jeux comme prévu, sans problème, en maîtrisant la propagation, a-t-il assuré en conférence de presse. Nous travaillons en coordination très étroite avec les parties prenantes concernées, dont le CIO. A ce stade, nous ne prévoyons aucun changement. »
Au dernier pointage, le nombre de cas de coronavirus a dépassé les 1.500 au Japon (1528), dont environ 700 provenant du navire de croisière Diamond Princess. Le virus a provoqué la mort de 31 personnes. L’épidémie ne marque pas de ralentissement dans l’archipel, mais Shinzo Abe se refuse à déclarer l’état d’urgence. Le Parlement japonais a pourtant voté vendredi 13 mars un texte de loi qui lui en donne le pouvoir.
L’état d’urgence permettrait aux autorités locales d’imposer aux habitants de rester chez eux, de faire fermer les écoles et de limiter l’usage des lieux publics.
Shinzo Abe s’y refuse. Le Premier ministre japonais multiplie les échanges téléphoniques avec les chefs d’Etat ou de gouvernement occidentaux. En fin de semaine passée, il s’est entretenu avec Donald Trump. Nous avons convenu que le Japon et les États-Unis coopéreront et se coordonneront étroitement pour le succès des Jeux
, a expliqué Shinzo Abe. Droit dans ses bottes, il a répété que le scénario d’un report n’avait pas été évoqué dans la discussion.
Tout aussi inquiétant pour le mouvement olympique, l’échange téléphonique avec le Premier ministre britannique, Boris Johnson. Les deux hommes se sont parlés dans la journée de dimanche 16 mars. Ils ont discuté des Jeux. Normal. Ils ont également évoqué leur projet de coopérer étroitement pour la réussite des Jeux de Tokyo 2020.
Selon la version officielle, l’entretien a eu lieu à la demande de la Grande-Bretagne. Boris Johnson en aurait profité pour souhaiter à son homologue japonais tout le succès possible pour les Jeux de Tokyo 2020.
Une coopération entre le Japon et la Grande-Bretagne dans la perspective des Jeux ? Le scénario n’a rien de rassurant. Certes, Boris Johnson était maire de la capitale anglaise au moment des Jeux de Londres 2012. Il peut donc se vanter d’une certaine expérience dans la gestion de l’événement olympique.
Mais sur la carte de l’Europe, la Grande-Bretagne reste l’un des derniers bastions où l’épidémie de coronavirus n’a pas rayé tous les événements sportifs du calendrier. Le tournoi européen de qualification olympique de boxe, organisé depuis la fin de la semaine passée à Londres, a été maintenu. Il a fallu attendre le soir de la deuxième journée de la compétition, dimanche, pour qu’il soit décidé de poursuivre l’épreuve à huis clos.
Wayne Rooney, l’ancien capitaine de Manchester United et de l’équipe d’Angleterre, s’en est ému dans une chronique publiée dimanche dans le Sunday Times. Il a durement critiqué le gouvernement britannique et les autorités du football d’avoir attendu jusqu’à vendredi 13 mars pour suspendre les rencontres de Premier League et de Championship (la deuxième division anglaise)
Pour Wayne Rooney, Boris Johnson a « esquivé » la question et manqué à ses responsabilités de chef du gouvernement. « Le reste du sport – tennis, Formule 1, rugby, golf, football dans d’autres pays – était en train de fermer et on nous disait de continuer », a écrit l’attaquant anglais.
En Grande-Bretagne, plus de 1.000 personnes ont été testées positives au virus. Trois cents nouveaux cas ont été enregistrés en une seule journée.
Aux Etats-Unis, le CDC (Centers for Disease Control and Prevention) a recommandé dimanche 15 mars l’annulation de tous les événements rassemblant 50 personnes ou plus sur l’ensemble du pays, et cela pour au moins les huit prochaines semaines. Pendant ce temps, Shinzo Abe et Boris Johnson échangent au téléphone sur la réussite des Jeux de Tokyo. Surréaliste.