Thomas Bach, le président du CIO, l’a encore répété cette semaine : l’annulation des Jeux de Tokyo « ne figure pas à l’agenda » de l’institution olympique. Le report, en revanche, constitue l’une des options. Mais à plus de 120 jours de l’ouverture, la décision peut attendre.
Président de la commission de coordination des Jeux de Paris 2024, le Belge Pierre-Olivier Beckers ne s’écarte pas de la ligne fixée par Thomas Bach. Il l’a expliqué à Philippe Vande Weyer, le spécialiste des questions olympiques au quotidien belge Le Soir. Interview.
Le CIO envisage-t-il une annulation ou un report des Jeux de Tokyo ? N’y a-t-il vraiment pas de plan B ?
Pierre-Olivier Beckers : On peut tous faire la liste des scénarios alternatifs possibles. Aucun ne peut être écarté. Mais il est clair qu’aujourd’hui, à 19 semaines des Jeux, il n’y a pas de nécessité de dire que les Jeux ne commenceront pas le 24 juillet. Personne n’est d’ailleurs en mesure de le dire. Il faut donc continuer à se focaliser sur les dates prévues. Il n’y aurait rien de pire que d’avoir les athlètes du monde entier qui commencent à relâcher la pression et que dans quatre semaines, on confirme que l’ouverture aura bien lieu le 24 juillet. Par contre, imaginer que personne ne réfléchit au CIO aux scénarios alternatifs serait également naïf.
Quand on voit ce que représentent des Jeux en termes d’organisation ou de logistique, peut-on vraiment imaginer de les reporter de quelques mois, voire d’un an ou deux ?
Je ne vois pas pourquoi et au nom de quoi, s’il le fallait vraiment, les Jeux ne pourraient pas être reculés de quelques mois. Du côté de l’aspect opérationnel, au Japon, cela ne devrait pas poser de problèmes. Après, il y a l’agenda sportif et médiatique dont il faudra tenir compte.
Les épreuves de qualification olympique sont aujourd’hui suspendues…
C’est effectivement une donnée très importante. Tout le monde souhaite montrer la plus grande flexibilité, mais si les Jeux démarrent le 24 juillet, on ne peut pas en augmenter le nombre de jours. Il faudra être créatif, en allongeant les périodes de qualification ou en permettant, par exemple, à des sports « à chrono » de laisser des athlètes se qualifier sur une piste vide avec un huissier habilité à reconnaître la performance. Dans des sports de contact, comme le judo, ce sera beaucoup plus délicat parce qu’ils sont obligés de faire un combat… Notre rôle est d’appuyer les demandes, d’insister, de faire preuve d’autorité orale chaque fois que c’est possible pour faire comprendre aux fédérations internationales l’importance de l’enjeu, mais elles le savent. Et ça, il faut le faire maintenant. Si on attend encore des semaines en pensant que les Jeux pourraient être retardés, ce serait pire que tout.
Face à une telle crise, le sport devient secondaire. Les Jeux aussi ?
Non, absolument pas. Je dirais, au contraire, que, plus que jamais, une crise comme celle-ci va nous forcer à réfléchir sur nos modes de vie, nos comportement sociaux, notre solidarité. L’être humain, aujourd’hui, a besoin de points de référence, de retrouver ses marques pour comprendre ce qui est important dans la vie. Le sport a cette capacité de jouer ce rôle, cette possibilité de montrer qu’il y a des valeurs fondamentales de la vie que sont le respect, la solidarité, l’amitié entre les peuples et les personnes. Et les Jeux olympiques sont l’un des rares événements qui, à l’échelle planétaire, peuvent représenter ces valeurs fondamentales.
Si vous aviez un message à adresser aux sportifs aujourd’hui, quel serait-il ?
Je leur dirais de rester concentrés sur la préparation et l’objectif pour lequel ils ont sacrifié des années de leur jeunesse, en sachant que cette participation aux Jeux dépasse simplement la performance et que derrière celle-ci, il y a tout un symbole de solidarité auquel ils doivent s’accrocher. Leur performance peut rayonner de manière magnifique. Ils peuvent apporter un élan d’amitié et de solidarité extraordinaire à la sortie de cette crise du coronavirus qui ne laissera personne intact, à l’issue de laquelle on ne sera plus les mêmes êtres humains qu’avant. De toute crise sortent des opportunités extraordinaires et pour les générer, il faut des éléments catalyseurs. Le Jeux peuvent être ces éléments.