Pas de répit pour Tokyo 2020. A l’heure où le mouvement olympique planche avec des gestes affairés sur le calendrier et les plans de voyage de l’année 2021, une nouvelle affaire accable les organisateurs japonais. Elle s’ajoute aux derniers épisodes les plus troubles de la candidature de Tokyo pour les Jeux de 2020.
La bombe est lâchée par Reuters. L’agence britannique a eu accès aux comptes de campagne de Tokyo 2020. Elle révèle avoir découvert, écrit noir sur blanc, la trace d’un paiement de 8,2 millions de dollars versé à un ancien cadre dirigeant de l’agence de publicité et relations publiques Dentsu, Haruyuki Takahashi (photo ci-dessous).
La raison ? L’intéressé l’a reconnu lui-même : un travail de lobbying. Selon ses propres mots, Haruyuki Takahashi était chargé par le comité de candidature japonais d’influencer certains membres du CIO pour les inciter à voter pour Tokyo, alors en concurrence avec Madrid et Istanbul.
Parmi eux, Lamine Diack. L’ancien président de l’IAAF, toujours dans l’attente de son procès devant la justice française pour des faits de corruption et blanchiment, aurait été arrosé de cadeaux par Haruyuki Takahashi. Il aurait notamment reçu un appareil photo numérique et une montre Seiko.
A l’époque des faits, Lamine Diack était toujours membre actif du CIO. A la veille du scrutin pour la ville-hôte des Jeux d’été en 2020, organisé en septembre 2013 à Buenos Aires, le Sénégalais avait réuni un groupe de dirigeants africains pour leur confier qu’il avait décidé de voter pour Tokyo.
Haruyuki Takahashi ne nie pas entièrement les faits. Interrogé par Reuters, le Japonais reconnaît avoir reçu un paiement du comité de candidature. Mais il se refuse à détailler la nature exacte de son travail de lobbyiste. Il admet avoir approché Lamine Diack, lui avoir offert certains cadeaux, mais explique qu’une telle pratique n’a rien d’illégal dans l’univers olympique. « Vous ne repartez jamais les mains vides. C’est du bon sens », a-t-il expliqué à Reuters.
L’agence britannique révèle avoir découvert dans les relevés bancaires du comité de candidature japonais un virement de 46.500 dollars au nom de Seiko Watch. Un ancien cadre de la candidature de Tokyo 2020 a confirmé que les montres achetées à la marque japonaise avaient effectivement été offertes à l’occasion de réceptions organisées pendant la campagne pour l’attribution des Jeux de 2020.
Précision : les règles du CIO autorisaient à l’époque les cadeaux à ses membres. Mais le texte se voulait flou. Il ne mentionnait pas de montant au-delà duquel il était fortement recommandé de refuser, sous peine d’enfreindre le code d’éthique.
Haruyuki Takahashi ne fait plus partie du personnel de l’agence Dentsu. Mais il reste très impliqué dans la préparation des Jeux de Tokyo. Il siège au conseil d’administration du comité d’organisation. Il s’est fait remarquer au début du mois dernier en expliquant avant tout le monde, au Wall Street Journal, que les Jeux ne seraient pas annulés mais qu’il n’était pas exclu de les reporter d’une ou deux années.
Troublant, également, la trace dans les comptes de Tokyo 2020 d’un versement de 1,3 million de dollars à une organisation japonaise à but non lucratif. Peu connue, elle était dirigée à l’époque des faits par Yoshiro Mori, l’ancien Premier ministre japonais, aujourd’hui président du comité d’organisation des Jeux de Tokyo 2020.
Yoshori Mori n’a pas répondu aux sollicitations de Reuters. Mais un représentant de l’association citée dans l’enquête du média britannique a expliqué que l’argent correspondait pour l’essentiel à un travail « d’analyse des informations internationales. » Une prestation payée au prix fort.