A qui profite la crise ? Pour certains athlètes, la réponse ne fait aucun doute : l’épidémie de COVID-19, les mesures de confinement et les restrictions de déplacement font les affaires des tricheurs. Elles favorisent le dopage.
Le marcheur britannique Tom Bosworth (photo ci-dessus), classé à la sixième place du 20 km aux Jeux de Rio 2016, ne retient pas ses propos. Selon lui, la situation actuelle ouvre la porte à tous les dérapages. « C’est un avantage tellement évident. Pour ceux qui voient le sport comme un moyen de gagner à tout prix et de gagner de l’argent, c’est un cadeau, a-t-il suggéré à l’occasion d’un entretien avec le Times. C’est une perspective vraiment sombre, vous pouvez obtenir des gains énormes dans une période de deux à trois mois où vous savez que vous ne serez pas testé. »
Tom Bosworth dit vrai. Le marcheur britannique le sait : les contrôles antidopage ont été ralentis, voire souvent totalement arrêtés, dans la grande majorité des pays soumis à des mesures de confinement et des interdictions de voyage.
Au Canada, l’Agence nationale antidopage a récemment annoncé mettre son programme de tests entre parenthèses. L’agence russe (RUSADA) a suivi le mouvement. Même décision en Grande-Bretagne, où l’UKAD reconnaît avoir ralenti très nettement l’allure sur les contrôles.
La quasi-certitude de pouvoir échapper aux tests inopinés, réalisés hors compétition, assure aux tricheurs une période de tranquillité de plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Tom Bosworth la croit assez longue pour fausser la donne.
A l’AMA, en revanche, le discours se veut plus optimiste. Son président, le Polonais Witold Banka, l’a assuré à l’AFP : les tricheurs ne gagneront pas la partie. « Les tests ne sont pas l’unique arme dont nous disposons, nous en avons d’autres, puissantes, a-t-il expliqué par téléphone depuis son domicile en Pologne. Il y a le passeport biologique de l’athlète, il y a l’analyse à long terme des échantillons, et il y a le renseignement. »
Witold Banka insiste : le passeport biologique peut détecter des anomalies, en établissant le profil (hématologique et endocrinien) d’un athlète. Pas faux. Mais son analyse ne peut pas donner lieu à une sanction, à la différence d’un contrôle antidopage positif.
Le Polonais le rappelle : les sportifs de haut niveau sont « toujours obligés de nous dire où ils se trouvent, même si nous ne pouvons pas aller les tester. Ils ne doivent pas s’imaginer que c’est l’occasion de tricher. Le cas échéant, les agences antidopage déploieront leurs armes pour les attraper. »
Comment ? Mystère. Mais Witold Banka le reconnaît : en période de crise sanitaire mondiale, où le monde médical est mobilisé pour lutter contre la pandémie de COVID-19, la lutte antidopage n’est pas une priorité. Elle devient même très secondaire.
A défaut de pouvoir aller contrôler les éventuels tricheurs à leur domicile ou sur leur lieu d’entraînement, les organisations antidopage en sont réduites à brandir l’étendard de la menace. L’Unité d’intégrité de l’athlétisme ne s’en prive pas. Elle annonce que les athlètes qui auraient profité de la période actuelle pour se doper risqueraient une suspension pouvant aller jusqu’à 4 ans, y compris pour une première infraction. Ils manqueraient alors les Jeux de Tokyo 2020 et ceux de Paris 2024.