« Nous ne voulons pas rajouter nos petits problèmes aux grands problèmes. » Le propos est d’Etienne Thobois, le directeur général du COJO Paris 2024. Il résume en une poignée de mots l’état d’esprit et la position de l’équipe d’organisation des Jeux d’été en France en cette période de confinement. Relativiser l’impact de la pandémie sur la préparation de l’événement olympique et paralympique. Prendre du recul. Soutenir les athlètes. Et, surtout, garder le sens des priorités, l’urgence sanitaire reléguant le reste au second plan.
Il n’empêche, le report d’une année des Jeux de Tokyo 2020 n’est pas sans effet pour le comité d’organisation de Paris 2024. Son impact reste délicat à mesurer avec précision, mais il s’annonce réel. Marketing, programme sportif, organisation, communication… Pour FrancsJeux, Etienne Thobois fait le tour de la question.
Le marketing
« Le report des Jeux de Tokyo ne change pas la donne en termes de droits et d’utilisation des anneaux olympiques. Nos partenaires premium (le groupe BPCE et EDF) peuvent exploiter les anneaux sur le plan national depuis le 1er janvier 2019. Pour la catégorie 2, les partenaires officiels, où figure la Française des Jeux, il était prévu qu’ils puissent le faire après les Jeux de Tokyo en 2020. Nous allons revoir nos accords afin de ne pas les pénaliser par une réduction d’une année de la période d’exploitation. Quant aux discussions que nous avions avec les potentiels partenaires, elles n’ont pas été interrompues. Toutes les entreprises avec lesquelles nous discutions maintiennent les échanges avec nous. Leurs priorités aujourd’hui concernent la santé des salariés, le maintien de l’activité, la survie de l’emploi. Dans un tel contexte, nous veillons à ne pas être trop intrusifs. Mais pour beaucoup d’entre elles, le projet des Jeux de Paris, avec ses valeurs de partage, de solidarité et de place du sport dans la société, résonne de façon positive dans la perspective d’une sortie de crise.
Nous avions prévu d’utiliser les Jeux de Tokyo comme une plateforme de visibilité pour nos partenaires. Ils seront plus nombreux en 2021 à pouvoir en profiter. En ce sens, le report nous est favorable. Mais il pose le cas particulier, et inédit, de l’équipementier de l’équipe de France olympique. Pour les Jeux de Tokyo, les droits appartiennent à Lacoste. Le contrat avec Le Coq Sportif doit débuter le 1er janvier 2021. Avec le report des Jeux, il y aura collusion des deux marques. Mais une solution devrait pouvoir être trouvée entre toutes les parties pour ne pénaliser personne. »
Le programme
« Les discussions ont débuté avec le CIO, mais la question du programme fait partie d’une épaisse liasse de décisions à prendre sur les effets du report des Jeux de Tokyo 2020. Le CIO consulte l’ASOIF (Association des fédérations internationales olympiques des sports d’été). Nous sommes aussi consultés. Nous attendons une réponse dans les semaines à venir, notamment en ce qui concerne la date de la validation des sports additionnels. Pour nous, le plus tôt sera le mieux, car une décision rapide nous laissera plus de temps pour préparer les choses. Mais sur ce sujet, l’impact du report des Jeux ne touche pas seulement Paris 2024, il affecte également le système de qualification et la préparation des athlètes. Nous saurons nous adapter. »
L’organisation du COJO
« Nous n’avons jamais considéré que les Jeux de Tokyo devaient constituer un jalon important pour la construction ou la préparation des infrastructures. Mécaniquement, le report d’une année repousse certaines opérations prévues au Japon, dont le transfert du drapeau lors de la cérémonie de clôture. Le programme des observateurs est également repoussé, mais il nous sera d’autant plus utile en 2021. Nous aurons eu plus de temps pour affiner nos observations. Nous pourrons aussi en faire profiter un plus grand nombre de nos collaborateurs. Le report des Jeux de Tokyo nous fait basculer d’un mode 3 + 4 à une stratégie 4 + 3. Pour l’héritage et l’engagement, cela ne changera rien. Mais en termes d’effectifs, nous allons aplatir la courbe du recrutement. Nous avions prévu une vague importante d’embauches avant Tokyo 2020, notamment dans le domaine opérationnel, pour profiter de l’opportunité d’observer les Jeux au Japon. Nous allons plutôt essayer de limiter les effectifs, ou de les reporter, en nous appuyant sur les compétences présentes sur les sites déjà existants. Mais nous continuons à recruter, même pendant la pandémie, dans les secteurs de la billetterie et des produits dérivés, par exemple. »
La communication
« Certaines opérations ont été annulées, comme la Journée olympique du 23 juin. Nous avions prévu de lancer le Club 2024, destiné aux communautés et au grand public, avant les Jeux de Tokyo. Nous n’allons pas attendre une année de plus pour concrétiser ce projet. La crise sanitaire que le monde traverse donne encore plus de sens aux valeurs sur lesquelles nous avons construit notre projet : l’inclusion, la diversité, l’écologie, le sport comme outil de santé… Notre communication ne sera pas bouleversée par la pandémie et le report des Jeux de Tokyo, mais elle va encore plus insister sur le rôle que peut jouer l’événement Paris 2024 dans l’après crise sanitaire. Nous devons être encore plus une force d’inspiration. Paris 2024 devra reprendre sa place dans le paysage collectif, mais en veillant à rester à sa place. »