La pandémie de coronavirus n’a pas seulement fait reculer d’une année complète les Jeux de Tokyo 2020. Elle pourrait bien en changer radicalement le visage et l’allure. Et même, qui sait, modifier en profondeur la physionomie de l’événement olympique.
Les organisateurs n’en font plus mystère : le report d’une année les conduira à tailler à coups de machette dans tous les postes budgétaires, y compris les plus visibles. Les Jeux de Tokyo ne seront plus tout à fait les mêmes. Ils s’annoncent même déjà méconnaissables.
Toshiro Muto, le directeur général de Tokyo 2020, l’a reconnu en fin de semaine passée à l’occasion d’une conférence de presse organisée en ligne, depuis la capitale japonaise : « Les Jeux que nous aurons dans un an ne seront peut-être pas les mêmes que les Jeux olympiques et paralympiques classiques que nous avons connus dans le passé. »
Les Japonais en sont encore au gros oeuvre dans leur complexe analyse du surcoût occasionné par le report de l’événement. Ils se refusent à dévoiler leurs chiffres. De leur propre aveu, il est prématuré de lister les secteurs où il leur faudra revoir les dépenses à la baisse.
Mais la liste s’annonce longue. Selon plusieurs sources, elle compterait plus d’une centaine de postes, allant du transport aux cérémonies, en passant par la nourriture au village des athlètes, les services aux officiels et les dépenses des membres du CIO.
« La question est de savoir si nous pouvons organiser les Jeux olympiques et paralympiques comme nous l’avons toujours fait, insiste Toshiro Muto. Nous devons revoir ce qui est essentiel, en nous demandant quels sont les éléments vraiment indispensables. »
Les Japonais ne sont pas les premiers organisateurs à devoir rayer certaines dépenses. Les Brésiliens de Rio 2016 l’ont fait avant eux, pour des raisons très différentes. Ils avaient, pour l’essentiel, sacrifié la « décoration » de l’événement olympique, notamment pour les épreuves hors stade, comme le marathon ou le triathlon.
A Tokyo, l’an prochain, le résultat s’annonce nettement plus spectaculaire. Prudents, Toshiro Muto et Yoshiro Mori, le président du comité d’organisation, ne laissent traîner aucun indice. Tout juste reconnaissent-ils que le relais de la flamme olympique, censé débuter à Fukushima avant de visiter en 121 jours les 47 préfectures du Japon, ne survivra pas à la cure d’amaigrissement.
« Lorsque la décision a été prise de reporter les Jeux d’un an, nous avons commencé à examiner quelles pièces nous pouvions réellement ajuster pour réduire les coûts, a expliqué Toshiro Muto, s’exprimant en japonais. Aujourd’hui, nous examinons toutes les possibilités, y compris le grand départ à Fukushima. Bien sûr, nous souhaitons respecter le plus grand nombre possible de ce qui avait été proposé et décidé, mais les coûts doivent baisser. Nous en sommes encore à la phase de réflexion, peu de décisions ont été prises. Le relais de la flamme représente seulement une partie d’une discussion beaucoup plus vaste. »
En phase de candidature, le coût des Jeux de Tokyo avait été estimé à 7 milliards de dollars. Le dernier chiffre en date, publié avant le début de la pandémie de COVID-19, s’élève à 12,6 milliards de dollars. Le report de l’événement pourrait représenter un surcoût de 2 à 6 milliards de dollars. La facture totale pourrait donc dépasser les 15 milliards. Mais, paradoxe, les Japonais préparent déjà le mouvement olympique à un événement low cost, très éloigné des éditions connues.
Certes, le CIO a annoncé la semaine passée, à l’issue de la réunion de sa commission exécutive, une enveloppe de 800 millions de dollars pour « pour faire face aux conséquences financières de la crise du COVID-19. » Le plus gros de cette somme – 650 millions de dollars – sera affecté aux Jeux de Tokyo 2020.
Mais Toshiro Muto ne s’en cache pas : il ignore comment cet argent pourra être dépensé. « Pourquoi un tel montant ? Je crains que vous ne deviez le demander au CIO », a-t-il suggéré en fin de semaine passée. Etrange.