L’année 2020 s’annonçait historique pour l’escalade. La discipline devait effectuer ses débuts aux Jeux de Tokyo 2020 comme sport additionnel. Elle aurait ensuite dû être confirmée, avec le même statut d’invité, pour les Jeux de Paris 2024.
Mais la pandémie de coronavirus a envoyé valser les attentes et les projets de sa fédération internationale (IFSC). Son avenir à court terme est désormais couvert d’un épais nuage de questions sans réponses. Son président, l’Italien Marco Maria Scolaris (photo ci-desous), l’a expliqué à FrancsJeux.
FrancsJeux : A quoi ressemble aujourd’hui le calendrier international de l’escalade ?
Marco Maria Scolaris : Tous les événements sont suspendus. Sportivement, la situation est difficile, voire très difficile. Nous avons décidé de prévoir un délai de deux mois entre la décision d’organiser une compétition et la compétition elle-même, pour laisser aux athlètes et aux organisateurs le temps de se préparer. Nous déciderons donc en juin pour les éventuels événements du mois d’août, et ainsi de suite. Nos organisateurs se battent pour avoir des compétitions, nous les ferons aussitôt que les conditions le permettront. Au l’automne, peut-être. Nous avons déjà qualifié les trois quarts des athlètes pour les Jeux de Tokyo, nous ne voulons pas trop retarder les dernières épreuves qualificatives à cause de la limite d’âge de 16 ans fixée pour participer aux Jeux. Mais j’ignore aujourd’hui si nous pourrons avoir du public et si les athlètes pourront voyager.
Dans quelle situation financière se trouve aujourd’hui l’IFSC ?
Une situation très difficile. Nous avons créé la fédération internationale en 2007, avec un budget annuel de 150.000 euros. Depuis, nous n’avons jamais jeté l’argent par les fenêtres. Au siège de la fédération, en Italie, une partie du personnel a été placée en chômage partiel. Nous vivons sur nos réserves. Mais nous les aurons sans doute épuisées à la fin de l’année. Heureusement, les télévisions et les sponsors ne nous lâchent pas.
Le CIO a annoncé un plan d’aide de 150 millions de dollars pour les fédérations internationales. En qualité de sport additionnel, pourrez-vous en bénéficier ?
Le CIO a précisé que son aide concernerait la famille olympique. Nous devrions donc pouvoir en bénéficier. Je suis optimiste, même si je n’ai encore aucune certitude quant à la réalité de cette aide financière et de son montant. Nous avons eu une réunion très positive avec le CIO. Une autre est prévue pour les prochaines semaines. Dans la prévision des Jeux de Tokyo 2020, nous avons monté toute une structure et dédié une équipe. On ne peut pas tout démolir. J’espère que le CIO nous aidera comme un investissement sur l’avenir. Je ne veux pas arriver aux Jeux de Tokyo à poil.
Quel a été, pour l’escalade et pour l’IFSC, l’impact le plus important du report des Jeux de Tokyo 2020 ?
L’impact financier. Les sports additionnels ne perçoivent pas la subvention du CIO au titre de la redistribution des droits de télévision et de marketing. Attendre une année supplémentaire va nous coûter cher. Le CIO devrait reconnaître le statut particulier des sports additionnels. Mais, d’un autre côté, le report des Jeux de Tokyo peut s’avérer positif en termes de préparation. A la différence des autres sports, nous savons depuis seulement 4 ans que nous serons présents aux Jeux de Tokyo. Nous serons mieux préparés pour faire nos débuts aux Jeux en 2021.
Le CIO devait valider après les Jeux de Tokyo, avant la fin de l’année 2020, la liste des sports additionnels pour Paris 2024. Avez-vous été informé de son nouveau calendrier concernant cette validation ?
Non. La question est difficile. Attendre l’après Jeux de Tokyo en 2021 pour valider les sports additionnels serait catastrophique, pas seulement pour nous, mais également pour le COJO Paris 2024. Je pense qu’une décision sera prise avant la fin de l’année 2020, peut-être pas sur le programme précis de chacun des sports additionnels, mais au moins sur leur présence. Je fais confiance au CIO.
Plusieurs fédérations internationales se tournent vers le virtuel pour combler en partie les vides du calendrier. Avez-vous prévu de le faire ?
Nous travaillons sur certaines idées. L’une de nos disciplines, la vitesse, se pratique sur des structures homologuées, identiques partout. Il serait parfaitement possible d’imaginer des compétitions à distance, tous les athlètes disposant d’un mur homologué. Aujourd’hui, le temps nous manque pour explorer plus à fond cette possibilité, mais toutes les options sont sur la table. Il va nous falloir inventer.
L’IFSC a signé très récemment un partenariat avec des agences japonaises et chinoises pour assurer la présence de l’escalade sur certains des réseaux sociaux les plus présents en Asie. La pandémie de coronavirus ne freine donc pas votre développement ?
Apparemment, non. Plusieurs pays frappent à la porte. Nous comptons actuellement 93 fédérations nationales membres, mais nous savons que l’escalade sportive est pratiquée dans 140 ou 150 pays dans le monde. Notre potentiel est loin d’être pleinement exploité, mais il nous faut des ressources pour accepter de nouveaux pays. Ces ressources, nous ne les avons pas aujourd’hui, car elles sont consacrées à surmonter les effets économiques de la pandémie.