Trop tard ? Trop vieux ? Trop vide ? Sûrement. Lamine Diack, 87 ans depuis dimanche 7 juin, se présentera ce lundi matin devant la 32ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris. L’ancien président de la Fédération internationale d’athlétisme (1999 à 2015) doit comparaître pour des accusations de corruption, blanchiment en bande organisée et abus de confiance. Il risque jusqu’à 10 ans de prison.
Sur le papier, l’audience du Sénégalais, longtemps présenté comme le dirigeant sportif africain le plus influent du mouvement olympique, ne manque pas d’intérêt. Pendant six jours, Lamine Diack et ses hommes de loi devront faire la lumière sur un vaste système de corruption et d’ingérence politique. Une véritable « organisation criminelle », pour reprendre les mots du Parquet national financier (PNF), ayant permis d’exhorter 3,45 millions d’euros à des athlètes russes dopés en échange de la promesse d’étouffer leur affaire.
Explosif, donc. Seul ennui, mais de taille : le timing du procès semble aujourd’hui très décalé des faits, et le casting des prévenus peu en accord avec les accusations.
Le timing, d’abord. Lamine Diack a présidé l’IAAF entre 1999 et 2015. Il a été interpellé en France en novembre 2015, en compagnie de son conseiller juridique, l’avocat parisien Habib Cissé. Les faits remontent aux années 2010. Depuis, l’IAAF est devenue World Athletics, Sebastian Coe a succédé à Lamine Diack, l’athlétisme russe a été suspendu et tous les acteurs de l’affaire ont disparu du paysage.
L’instruction ouverte par le juge Renaud Van Ruymbeke a été clôturée en mars 2019. Dans la foulée, Lamine Diack a été mis en examen. Son procès aurait dû débuter le 12 janvier dernier, mais la justice sénégalaise a transmis à la dernière minute des documents bancaires relatifs à plusieurs sociétés de Papa Massata Diack, le fils de l’ancien président de l’IAAF, lui aussi poursuivi. Le Parquet financier a estimé qu’il ne pouvait « pas faire comme si ces pièces n’existaient pas. » L’ouverture du procès a été repoussée.
Le casting, maintenant. Certes, Lamine Diack sera présent ce lundi matin au tribunal de Paris. Mais il n’est pas certain que ses propos, à 87 ans, répondent avec clarté et précision aux questions de l’accusation.
Habid Cissé devrait lui aussi se présenter devant la 32ème chambre correctionnelle. Mais il n’était pas un acteur majeur de l’opération d’extorsion mise en place à l’IAAF.
Gabriel Dollé, l’ancien responsable de l’antidopage à l’IAAF, aujourd’hui âgé de 78 ans, est également annoncé parmi les présents. Il a déjà reconnu les faits, expliquant avoir reçu 190.000 euros en liquide en échange de son silence et sa passivité devant les cas de dopage d’athlètes russes.
Trois présents, donc, pour un nombre égal d’absents. En tête de liste, Papa Massata Diack, ex-consultant marketing de l’IAAF. L’un des personnages clés du procès, le Sénégalais est réfugié dans son pays depuis sa mise en accusation. Il ne fera pas le voyage vers Paris.
Papa Massata Diack sera représenté par l’un de ses trois avocats, le seul parisien du trio. Mais Maître Antoine Beauquier a déjà annoncé qu’il demanderait un renvoi du procès, prétextant que ses deux collègues, tous deux Sénégalais, ne peuvent se rendre en France en raison des restrictions de voyage. La demande sera examinée dès ce lundi matin.
Au rang des absents, également, les deux Russes du casting : l’ex-président de la Fédération russe d’athlétisme, Valentin Balakhnichev, qui était également trésorier de l’IAAF ; et l’ancien entraîneur national Alexeï Melnikov. Ils sont restés en Russie, où ils sont visés par un mandat d’arrêt international pour avoir participé aux versements de pots-de-vin pour protéger leurs athlètes.
L’Agence mondiale antidopage, le CIO et World Athletics, mais aussi deux anciennes athlètes françaises, Christelle Daunay et Hind Dehiba, se sont portés parties civiles.
Après six longues journées d’audience, le verdict devrait être rendu jeudi 18 juin. Assigné à résidence en France depuis plus de 4 ans, Lamine Diack n’en sortira pas indemne. Mais sa condamnation ne changera plus le cours de l’histoire.