Avancée réelle ou simple effet d’annonce ? A l’heure où les manifestations contre le racisme se multiplient un peu partout dans le monde, le CIO annonce vouloir suivre le mouvement. Mais la route semble encore longue avant de voir des athlètes mettre un genou à terre sur un site ou un podium olympique.
Thomas Bach, le président de l’instance internationale, l’a annoncé mercredi 10 juin au terme de la réunion par visioconférence de la commission exécutive : la discussion a été ouverte sur un possible assouplissement de la règle 50 de la Charte olympique. Elle interdit toute forme de « manifestation ou de propagande politique, religieuse ou raciale » pendant les Jeux.
A ce stade, le processus ne semble pas de taille à bouleverser les habitudes de la famille olympique. La commission exécutive du CIO s’est contentée d’accepter que sa commission des athlètes lance une vaste consultation auprès des olympiens, un peu partout dans le monde, sur la manière de pouvoir manifester aux Jeux sans enfreindre les règles.
« Nous avons totalement soutenu l’initiative de la commission des athlètes du CIO de dialoguer avec ses homologues du monde entier pour explorer les différentes façons dont les athlètes olympiques peuvent exprimer leur soutien aux principes contenus dans la Charte olympique de façon digne », a expliqué Thomas Bach.
En clair, le « gouvernement » du CIO encourage les représentants des athlètes à plancher sur la meilleure façon de concilier l’inconciliable. Exprimer un soutien aux mouvements contre le racisme mais sans manifester une position politique ou raciale. Sortir des clous sans risquer la sanction. Bon courage.
Au cours des dernières semaines, plusieurs organisations sportives nationales ou internationales, comme la FIFA ou la NFL, ont pris la décision d’autoriser les manifestations des joueurs en solidarité à la mobilisation antiracisme après la mort de George Floyd.
Le CIO suivra-t-il leur emboîtera-t-il le pas ? Peu probable. Interrogé mercredi 10 juin en conférence de presse sur la perspective d’autoriser les athlètes à mettre un genou à terre aux Jeux de Tokyo, Thomas Bach a botté en touche.
« Je ne peux pas préjuger de ce qui sortira des consultations engagées avec les représentants des athlètes, a répondu prudemment le dirigeant allemand. Il ne serait pas juste que je fasse maintenant une déclaration qui pourrait apparaître comme une directive ou une instruction. Le cadre a été déterminé. Il faut maintenant laisser la commission des athlètes et les athlètes discuter les uns avec les autres, puis nous présenter des propositions pertinentes. »
Mais Thomas Bach a insisté : « Nous sommes également d’accord, avec la commission des athlètes, pour dire que nous devons toujours respecter l’esprit olympique. Cela signifie que nous devons établir une différence entre, d’un côté un soutien aux principes inscrits dans la Charte olympique, et de l’autre des manifestations qui pourraient potentiellement diviser les gens. »
Thomas Bach ne donne aucune directive. En façade, le CIO ouvre la porte à la discussion. Mais les précisions du président de l’instance olympique laissent peu de place au doute : la règle 50 de la Charte olympique ne sera pas envoyée aux oubliettes. Aux Jeux de Tokyo, les athlètes ne pourront ni mettre un genou à terre, ni lever un poing sur le podium.
Au Canada, où la voix des athlètes sait souvent se faire entendre, la position du CIO ne trompe personne. Interrogé par La Presse, l’ancien coureur de demi-fond Kevin Sullivan explique : « Les Jeux olympiques représentent la plus grande scène sportive et elle est très puissante, ou a le potentiel d’être très puissante, à moins que vous imposiez le silence. Les organisations sportives importantes doivent encourager la liberté de parole, dire aux athlètes de s’exprimer. Et pour le CIO, de ne pas emboîter le pas est vraiment inadéquat. »