La pression s’accentue sur le CIO. Après avoir été contraint en février 2019 d’assouplir la règle 40 de la Charte olympique sur la publicité pendant la période des Jeux, l’instance internationale est attaquée sur un autre front : la liberté d’expression.
L’organisation mondiale Global Athlete, dirigée notamment par le pistard écossais Callum Skinner, a écrit dimanche 14 juin au CIO et à l’IPC, son pendant paralympique. Elle s’est prend directement à l’un des piliers de la Charte olympique : la règle 50 sur la neutralité aux Jeux.
Selon Global Athlete, elle constitue « une violation flagrante des droits de l’homme ». Pour rappel, la règle 50 stipule que l’expression d’une opinion politique, religieuse ou raciale est interdite sur les sites olympiques.
En janvier dernier, le CIO a profité de la session de Lausanne pour rappeler ses fondements. L’instance olympique a confirmé que la pose d’un genou à terre, en soutien au mouvement antiraciste, entrait pleinement dans le cadre de la règle 50. Le geste était donc interdit, sous peine de sanction. Il l’était hier, il le restera demain. Aux Jeux de Tokyo, par exemple.
« Les athlètes ont dû choisir depuis bien trop longtemps maintenant entre concourir en silence et défendre ce qui est juste, écrit Global Athlete dans son courrier au CIO et à l’IPC. Il est temps que cela change. Chaque athlète doit pouvoir utiliser ses propres plateformes, ses gestes et sa voix. Réduire les athlètes au silence a conduit à l’oppression, aux abus et à la discrimination dans le sport. »
La semaine passée, la commission exécutive du CIO a annoncé au terme de sa réunion par visioconférence avoir accepté la proposition de la commission des athlètes de lancer une vaste consultation de ses représentants, un peu partout dans le monde, sur la manière de pouvoir manifester aux Jeux sans enfreindre les règles.
Mais Thomas Bach, le président du CIO, a déjà restreint le champ des possibles en expliquant : « Nous devons établir une différence entre, d’un côté un soutien aux principes inscrits dans la Charte olympique, et de l’autre des manifestations qui pourraient potentiellement diviser les gens. » En clair, la commission des athlètes devra proposer un assouplissement de la règle 50, mais sans ouvrir la porte à toute avancée qui pourrait provoquer polémique ou controverse.
Global Athlete demande à être impliqué dans la réflexion. Peu probable qu’il obtienne satisfaction. Mais le mouvement initié notamment par le Canadien Rob Koehler, l’ancien directeur général adjoint de l’Agence mondiale antidopage (AMA), ne se fait guère d’illusion. Surtout, il sait que le changement ne viendra pas de l’intérieur.
« Les athlètes ont rarement leur mot à dire sur les règles et le développement du sport, bien qu’ils en soient les acteurs les plus importants, insiste Global Athlete dans son courrier. Sans les athlètes, le sport n’existe pas. Il est très hypocrite de dire aux athlètes de s’en tenir à leur sport et de rester en dehors de la politique, alors que le CIO et l’IPC se servent de la politique à leur avantage. En sa qualité d’observateur aux Nations Unies, le CIO se doit d’aller plus loin. »
Lancé en février 2019, Global Athète se pose depuis sa création en contre-pourvoir des instances internationales. Le mouvement s’est déjà fait entendre sur les questions de dopage. Plus récemment, il a appelé les athlètes à se regrouper en syndicats pour obtenir une meilleure répartition des recettes des Jeux olympiques.
A plus d’un an des Jeux de Tokyo, Global Athlete veut surfer sur la mobilisation contre le racisme née de la mort de George Floyd pour faire plier le CIO. L’intention est légitime, mais ses chances de succès semblent réduites.
L’an passé, il a fallu la décision d’un tribunal allemand pour contraindre le CIO à assouplir la règle 40 de la Charte olympique sur la publicité pendant la période des Jeux. Les efforts des athlètes, pourtant réguliers, n’y étaient pas parvenus.