Il fallait s’y attendre. Au Japon, la question des Jeux de Tokyo 2020 agite et divise le paysage politique. Elle pourrait même devenir l’un des principaux terrains de bataille, voire le plus animé, de la campagne pour le poste de gouverneur de la capitale.
Officiellement, la campagne en question a débuté jeudi 18 juin. La candidate sortante, Yuriko Koike, est en course pour un second mandat. Les médias japonais lui accordent les plus grandes chances de victoire. Face à elle, ils sont plus d’une douzaine de candidats à lorgner sur le siège.
Sans la moindre surprise, Yuriko Koike se pose en ardente défenseur des Jeux de Tokyo 2020. Le report de l’événement olympique et paralympique a été un coup dur pour son administration. A ce jour, il n’est pas encore chiffré, les organisateurs peinant à évaluer avec précision les dépenses supplémentaires. Mais il pourrait se situer, selon les estimations, dans une fourchette de 2 à 6 milliards de dollars.
Sévère. Mais Yuriko Koike n’en démord pas : les Jeux doivent être maintenus, sous réserve que les conditions sanitaires permettent de les organiser en toute sécurité. « Les enfants, les jeunes et les athlètes sont très nombreux à attendre avec impatience les Jeux olympiques, suggère la gouverneure de Tokyo. Bien sûr, nous devons surveiller l’évolution de la pandémie. La question de savoir si un vaccin sera prêt l’an prochain est déterminante. Nous sommes engagés dans une course contre la montre. Mais la célébration des Jeux de Tokyo peut être vue comme un objectif mondial majeur. Pouvoir les organiser illustrera la victoire de tous contre le coronavirus. »
Sans doute. Mais le discours de Yuriko Koike en fait tousser un certain nombre parmi ses rivaux politiques. Taro Yamamoto, un ancien acteur entré en politique, plaide pour une annulation des Jeux de Tokyo. Selon lui, l’argent dépensé devrait être utilisé pour aider les personnes les plus affectées par les effets économiques de la pandémie de coronavirus. Le refrain est connu.
« Les Jeux olympiques devraient être annulés, a-t-il insisté cette semaine à l’occasion d’un débat politique. Nous n’avons aujourd’hui aucune garantie qu’ils pourront se dérouler en toute sécurité à Tokyo. »
Pour Taro Yamamoto, la perspective de voir affluer dans la capitale japonaise 11.000 athlètes venus de plus de 200 pays, puis 4.400 concurrents paralympiques, accompagnés de milliers d’officiels, entraîneurs et journalistes, s’apparente à un scénario de film catastrophe.
« Tokyo va se transformer en boîte de Pétri en accueillant tant de gens venus du monde entier, insiste Taro Yamamoto. Nous devrions informer le CIO que nous ne pourrons pas organiser l’événement en toute sécurité. »
L’ancien acteur japonais n’est pas le seul, parmi les candidats au poste de gouverneur, à militer pour une annulation. Kenji Utsunomiya, un avocat de renom, s’appuie sur les avis des experts scientifiques pour appeler lui aussi à jeter l’éponge.
Taisuke Ono, un autre candidat, a choisi un angle d’attaque différent. Lui aussi soutient l’idée d’une impossibilité d’accueillir l’événement en juillet et août 2021. Mais le Japonais propose une surprenante alternative : un report des Jeux en… 2024 !
« Revoir tout le projet des JO en un an et faire venir des personnes du monde entier me semble impossible et dangereux, surtout s’il n’y a pas de vaccin contre le COVID-19, explique-t-il. C’est pourquoi il serait plus judicieux de discuter dès maintenant avec Paris et avec le CIO pour décaler les deux événements, ou bien les faire conjointement en partie dans un lieu et dans l’autre. »
En clair, Taisuke Ono propose de se lancer dans un délicat jeu de dominos, en décalant les Jeux de Tokyo en 2024, puis ceux de Paris en 2028. A moins, suggère le candidat, de couper la poire en deux et organiser en 2024 les Jeux à Tokyo et à Paris, chacune des deux villes héritant d’une moitié du programme des sports.
Selon les analystes, Taisuke Ono possède une chance très réduite d’être élu gouverneur de Tokyo. Mais l’idée d’envoyer les Jeux de Tokyo dans les oubliettes de l’Histoire ferait son chemin dans la classe politique. Elle n’a certainement pas fini de s’inviter dans la campagne.