L’athlétisme mondial s’est-il découvert un nouveau Tommie Smith ? Champion du monde du 200 m l’an passé à Doha, l’Américain Noah Lyles ne marche pas seulement à grand pas sur les traces de son aîné par ses performances sur la piste. Il veut aussi s’inspirer de son parcours de militant pour l’égalité raciale.
Vendredi 14 août à Monaco, Noah Lyles a dédié sa soirée de retour sur le circuit de la Ligue de Diamant au champion olympique du 200 m aux Jeux de Mexico en 1968, entré dans l’Histoire du sport et de l’humanité pour avoir levé un poing ganté de noir sur le podium olympique.
Passons rapidement sur la course. Lancé comme un obus, l’Américain a bouclé l’affaire en 19 sec 76, meilleur chrono mondial d’une saison encore en plein réveil. Refrain connu. Seule surprise : la présence dans son ombre, à quelques longueurs, de son jeune frère Josephus, un nouveau venu sur le circuit international.
Trois heures avant de se plier dans les starting-blocks, Noah Lyles a posté sur son compte Instagram une photo de Tommie Smith et John Carlos levant le point sur le podium des Jeux de Mexico. Quelques minutes plus tôt, il avait débuté son feuilleton digital du jour par une image de ses chaussettes de course, unies et foncées, comme ses deux compatriotes en 1968.
« En tant qu’athlète, il m’est difficile de manifester mon amour pour mon pays tout en exprimant que le changement est nécessaire, a-t-il commenté, avec un hashtag #blacklivesmatter. C’est ma façon de dire que ce pays est génial, mais qu’il peut être meilleur. »
A moins d’une année des Jeux de Tokyo, Noah Lyles a déjà choisi son camp. Il veut profiter de sa notoriété pour exprimer sur le terrain sportif son engagement dans le mouvement pour le changement social. A Monaco, le sprinter américain l’a fait en joignant le geste à la parole.
Sur la ligne du départ du 200 m, il a levé un poing ganté de noir au moment de la présentation des engagés.
Deux jours plus tôt, il avait annoncé la couleur : « Nous en sommes arrivés à un point où il n’est plus possible de ne rien faire. Il n’y a pas de règles établies. On peut se contenter de pousser les choses jusqu’à la limite. Mais certains ont déjà annoncé que, règles ou pas, ils étaient prêts à aller beaucoup plus loin. »
A l’évidence, Noah Lyles en fera partie. L’Américain n’a pas dévoilé ses intentions, mais il semble déterminé à profiter de la fenêtre médiatique des meetings de Ligue de Diamant pour exprimer son militantisme.
Question : le fera-t-il l’an prochain aux Jeux de Tokyo ? En tordant le cou à la règle 50 de la charte olympique sur l’interdiction de manifester aux Jeux une opinion politique, religieuse ou raciale, Noah Lyles s’exposerait à une exclusion de la compétition.
A moins que le CIO se soit décidé, dans les 11 mois à venir, à assouplir la règle en question. Thomas Bach a demandé en début d’année à la commission des athlètes de consulter ses représentations nationales sur la possibilité de modifier cet article de la charte. Un premier pas.
Les résultats de la consultation ne sont pas encore connus. Mais les Australiens ont très récemment apporté un début de réponse. Le comité national olympique (AOC) a sondé ses olympiens et potentiels sélectionnés aux prochains Jeux sur leur sentiment quant à la règle 50 de la charte olympique.
Une grande majorité d’entre eux (59,07 %) s’est prononcée en faveur d’un assouplissement du règlement. Près de quatre sondés sur dix (39,91%) pensent qu’ils devraient être autorisés à s’exprimer aux Jeux, mais seulement dans certaines circonstances. Un oui mais, donc. Ils sont 19,16% à suggérer que la liberté d’expression devrait leur être accordée aux Jeux sans condition. Un oui franc et massif.