Sale temps pour le hockey-sur-glace. Confrontée comme l’ensemble du mouvement olympique à la pandémie de COVID-19, sa fédération internationale (IIHF) doit en plus négocier avec la NHL pour la participation des meilleurs joueurs de la planète aux Jeux de Pékin 2022.
Depuis ce début de semaine, elle se retrouve également en première ligne d’une crise politique en Europe de l’est. Elle concerne l’organisation conjointe par la Lettonie et la Biélorussie du Mondial masculin en 2021.
En cause, la réélection en Biélorussie du président sortant, Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans. Officiellement, l’oligarque l’a emporté avec 80 % des voix. Mais sa victoire est contestée, depuis le soir même de l’élection, dimanche 9 août, par un nombre grandissant d’opposants au régime.
Dimanche 16 août, ils ont été plusieurs dizaines de milliers à descendre dans les rues de Minsk, la capitale, pour réclamer un départ immédiat d’Alexandre Loukachenko. Selon les observateurs, ce rassemblement serait le plus important jamais organisé en Biélorussie depuis l’indépendance du pays en 1991.
Effet inattendu de ce soulèvement populaire : la Lettonie ne veut plus entendre parler d’une organisation commune du Mondial 2021, prévus du 21 mai au 6 juin à Riga et Minsk. Le Premier ministre letton, Krisjanis Karins, l’a expliqué très officiellement lundi 17 août. « Nous allons demander à l’IIHF d’envisager un autre pays à la place de la Biélorussie, a-t-il déclaré, cité par l’agence de presse lettone LETA. Si la Fédération internationale refuse, et si la situation en Biélorussie ne change pas, mon gouvernement pourrait envisager le retrait de la Lettonie de l’organisation du championnat du monde 2021. »
Selon les médias locaux, la Lettonie entend bien emprunter la voie officielle pour déposer sa requête. Le gouvernement letton devrait envoyer dès cette semaine une lettre officielle à l’IIHF pour exprimer ses préoccupations et répéter son intention de retirer ses billes en cas de maintien du Mondial 2021 dans les deux pays.
Le ministre letton des Affaires étrangères, Edgars Rinkevics, n’en fait pas mystère : la Lettonie fera tout son possible pour conserver un événement pour lequel elle a déjà beaucoup investi. Mais elle ne veut plus en partager la propriété avec un voisin devenu indésirable sur la scène diplomatique. « Notre priorité est de tout faire, si la situation n’évolue pas en Biélorussie, pour y retirer le championnat du monde et trouver un autre pays pour l’accueillir avec nous », a-t-il expliqué lundi 17 août.
Riga et Minsk doivent se partager les rencontres de la phase initiale, avec un groupe chacune, puis les quarts-de-finale. La suite du tournoi est prévue sur la glace de la Minsk Arena, déjà utilisée pour le Mondial 2014, avec les demi-finales, la finale et le match pour la médaille de bronze.
La balle est maintenant dans le camp de l’IIHF et de son président, le Suisse René Fasel. L’instance internationale se serait bien passée de jouer les arbitres dans un dossier aussi politique. Mais elle n’aura pas d’autre choix que décider, à un moment ou un autre, entre les deux voisins.
« L’IIHF reconnaît les préoccupations exposées par le gouvernement letton, souligne-t-elle dans un communiqué. Notre objectif principal reste de pouvoir disputer le championnat du monde de hockey sur glace 2021 à Minsk et Riga, comme l’ont décidé par vote le Conseil de l’IIHF et nos pays membres au congrès annuel en 2017. Nous attendons une nouvelle communication du gouvernement letton. A ce stade, nous n’avons pas fixé de calendrier pour toute décision à prendre concernant le championnat du monde 2021. Nous poursuivrons notre travail avec les comités d’organisation de Minsk et Riga 2021. »
Difficile de se montrer plus prudent. L’IIHF joue la montre, en croisant les doigts pour une solution rapide à la crise politique en Biélorussie. Dans le cas contraire, il lui faudra trancher. Son conseil doit se réunir le 12 septembre. Il ne pourra pas faire l’économie d’un débat sur l’avenir du Mondial 2021.
Mais, derrière son message très neutre, l’instance internationale se prépare déjà à brandir une raison plus sanitaire pour revoir le dispositif du Mondial 2021. « Il est important de noter qu’en plus de la situation politique en Biélorussie, la pandémie de coronavirus constitue un autre facteur qui pourrait avoir un impact sur la capacité des deux pays à accueillir le championnat du monde », suggère l’IIHF.
Le message est clair. La crise sanitaire pourrait offrir à René Fasel et à l’IIHF un argument pour rayer Minsk de la carte du championnat du monde. Les apparences seraient sauvées.