Crispation à Lausanne. Grincements de dents à Tokyo. Selon une très sérieuse étude menée par une équipe de chercheurs de l’Université d’Oxford, en Grande-Bretagne, les Jeux de Tokyo ont déjà pris place en tête du classement des événements olympiques les plus chers de l’histoire. Une position de leaders dont les Japonais se seraient volontiers passés, et que le CIO aurait préféré voir réservée à une édition antérieure.
L’étude britannique sera publiée le 15 septembre dans un magazine économique. Son titre en dit long : « Retour en arrière : pourquoi les Jeux olympiques explosent ».
Les chiffres présentés dans l’étude de la Said Business School d’Oxford laissent peu de place au doute : la présumée réduction des coûts rendue possible par l’Agenda 2020 du CIO n’est pas encore pour aujourd’hui. A Tokyo, la facture des prochains Jeux d’été a déjà été multipliée par deux par rapport aux données affichées dans le dossier de candidature. Et les comptes vont encore gonfler au cours des douze mois à venir.
En 2013, au moment du vote du CIO pour la ville-hôte des Jeux de 2020, les Japonais estimaient que les Jeux de Tokyo coûteraient 7,13 milliards de dollars. Selon l’étude de l’Université d’Oxford, le budget actuel atteint déjà plus du double, soit 15,84 milliards de dollars.
Avec un tel résultat, Tokyo 2020 dépasse Londres 2012, dont le coût a atteint 14,95 milliards de dollars. La capitale anglaise a donc perdu sa place de premier. Mais le report d’une année des Jeux de Tokyo pourrait bien accentuer encore l’écart entre les deux éditions olympiques, pour placer l’événement japonais à un niveau encore jamais imaginé.
Au Japon, le coût réel des Jeux de Tokyo est l’objet d’un débat. Selon la version officielle des organisateurs, il en était à 12,6 milliards de dollars, avant l’estimation de la facture du report de l’événement à l’année 2021. Mais un audit réalisé à la demande des autorités avance un chiffre nettement plus élevé, déjà supérieur à 20 milliards de dollars.
Bent Flyvbjerg, l’un des auteurs de l’étude, l’explique : les chercheurs de l’Université d’Oxford ont retenu seulement dans leurs comptes les coûts opérationnels des Jeux et les dépenses en équipements sportifs. Ils n’ont pas tenu compte des investissements plus indirects, comme la rénovation des routes, les transports publics, ou encore les projets dits « d’embellissement ». Selon le chercheur britannique , ces dépenses sont très difficiles à évaluer avec précision, car les autorités rechignent à divulguer les vrais chiffres.
« Nos estimations sont donc prudentes, explique-t-il. Nous incluons seulement les éléments pour lesquels nous pouvons obtenir les chiffres les plus fiables. Nous avons procédé ainsi pour chacune des villes que nous avons analysées. Malgré cela, les coûts ne cessent de monter. Les Jeux olympiques présentent aujourd’hui le plus haut niveau de risque qu’une ville puisse prendre en termes de dépenses et d’investissements. La tendance ne peut pas continuer, sinon il ne se trouvera plus la moindre ville pour se lancer dans une telle aventure. »
Interrogé par Associated Press, le CIO s’est refusé à commenter les chiffres et l’analyse de l’étude britannique. L’instance olympique explique n’en avoir pas encore pris connaissance. Logique.
Mais pour Bent Flyvbjerg, le CIO peut être tenu en partie responsable de l’inflation du coût des Jeux. « Il lui revient de déterminer le cahier des charges, mais sans avoir à régler la facture », explique-t-il.
L’Agenda 2020 inversera-t-il la tendance ? Sans doute. Les budgets présentés par Paris 2024 et Los Angeles 2028 se révèlent déjà très en-dessous des excès relevés à Londres ou Tokyo. Mais le chercheur de l’Université d’Oxford se dit peu confiant en l’avenir. « Les efforts du CIO pour revoir le coût des Jeux à la baisse sont réels, reconnaît-il. Mais ils restent trop timides. Et ils arrivent trop tard. »