Moins de deux mois ont passé depuis la double explosion dans le port de Beyrouth qui a provoqué la mort d’au moins 192 personnes. La capitale libanaise peine à se relever d’une catastrophe dont l’impact est amplifié par la crise économique et politique. Les travaux de reconstruction sont ralentis. Le pays n’a toujours pas de gouvernement.
Le sport ? Lui aussi est touché. A plusieurs niveaux. Les dégâts sont importants, les ressources quasi inexistantes. Et les perspectives extrêmement sombres. Jean Hammam, le président du comité olympique libanais, l’a expliqué à FrancsJeux.
FrancsJeux : La double explosion survenue le 4 août dans le port de Beyrouth a-t-elle touché le comité olympique libanais ?
Jean Hammam : Les bureaux du comité olympique sont situés à une dizaine de kilomètres du port. Ils n’ont pas été touchés par l’explosion. Mais plusieurs clubs et fédérations ont été très impactés par la catastrophe. Elle a détruit une partie des locaux de la fédération libanaise de volley-ball, soufflant les vitres et endommageant le matériel informatique. Les dégâts sont estimés entre 25 et 30.000 dollars. La fédération d’aviron a perdu tout son matériel. Cela représente une perte d’environ 200.000 dollars. Mais tout cela est récupérable. Le plus inquiétant est l’impact moral sur les athlètes libanais.
Quelle est aujourd’hui leur situation ?
Elle est très compliquée. L’explosion dans le port de Beyrouth est venue s’ajouter à un contexte rendu très difficile par la pandémie de COVID-19 et la crise économique. Les stades ont été fermés, les salles interdites d’accès. Il ne leur est pas facile de reprendre l’entraînement, surtout dans la situation économique du pays. Au Liban, les comptes bancaires sont bloqués, il est impossible de retirer de l’argent en espèces et la valeur de la monnaie a perdu 40 à 45 %.
Avez-vous reçu une aide internationale ?
Après l’explosion, le comité olympique a reçu une lettre de Thomas Bach. Nous allons maintenant établir un rapport précis des dégâts et de leur coût. Nous avons constitué un groupe de trois ingénieurs pour réaliser ce travail. Nous soumettrons ensuite notre rapport à la Solidarité olympique, avec l’espoir d’obtenir une aide exceptionnelle pour reconstruire et récupérer ce qui a été détruit. Mais pour le reste, nous vivons déjà de la subvention de la Solidarité olympique, via ses différents programmes. Il ne devrait pas être possible d’obtenir plus.
De quels moyens dispose le comité national olympique ?
Nos seules ressources proviennent du CIO via la Solidarité olympique. Nous fonctionnons avec un budget annuel de 150.000 dollars, dont 100.000 sont utilisés pour payer les salaires du personnel et des entraîneurs. Il nous reste donc 50.000 dollars par an pour tout le reste, dont la préparation des athlètes, leurs voyages, les camps d’entraînement… Que voulez-vous faire avec 50.000 dollars par an ? Le gouvernement a cessé de nous subventionner depuis quatre ans. Quant aux partenaires privés, nous n’en avons plus un seul depuis deux ou trois ans. Il en est de même pour les fédérations libanaises de football et de basket-ball. Dans la situation de crise que traverse le pays, les entreprises ont coupé en priorité dans les budgets de partenariat et publicité.
Dans un tel contexte, comment se présentent les Jeux de Tokyo ?
Nous avons aujourd’hui une seule athlète qualifiée, Ray Bassil, dans la discipline du tir. Nous devrions en avoir un autre, en judo. Pour le reste, nous espérons envoyer un représentant en athlétisme et deux autres en natation au titre de l’universalité. Nous pourrions ainsi avoir une délégation de cinq athlètes l’an prochain aux Jeux de Tokyo. Nous en avions habituellement 9 ou 10 aux Jeux précédents, notamment grâce au tennis de table, à l’escrime ou au taekwondo. Mais la crise économique qui frappe le Liban depuis le mois d’octobre dernier, et la pandémie de coronavirus, ont mis le sport libanais à l’arrêt. Nous n’avons plus aucun moyens. Et les athlètes plus la moindre perspective.