La course au large fera-t-elle ses débuts dans le programme de la voile olympique aux Jeux de Paris 2024 ? La réponse semblait acquise depuis la décision de la Fédération internationale, World Sailing, de l’inclure parmi les dix séries proposées au CIO. L’instance présidée par le Danois Kim Andersen l’avait voté à une écrasante majorité lors de son assemblée générale en novembre 2018 à Sarasota (Etats-Unis).
A quelques semaines de la décision de la commission exécutive du CIO sur le choix définitif des disciplines retenues pour les Jeux de Paris 2024, annoncée pour le mois de décembre, le doute s’installe. Au sein de World Sailing, le clan des conservateurs s’organise et serait passé à l’offensive. Opposés à l’entrée de la course au large dans le programme olympique, ils espèrent convaincre Thomas Bach et la commission exécutive.
Pour Nicolas Hénard (photo ci-dessous), le président de la Fédération française de voile (FFV), ardent militant de la présence de la course au large aux Jeux de Paris 2024, la discipline coche pourtant toutes les cases. Il l’a expliqué à FrancsJeux.
FrancsJeux : Pourquoi l’entrée de la course au large dans le programme des Jeux de Paris 2024 est-elle aujourd’hui menacée ?
Nicolas Hénard : Le boulot avait été fait, par la Fédération française de voile et par World Sailing. Après l’assemblée générale de Sarasota en 2018, où le choix des 10 séries pour les Jeux de Paris 2024 a été approuvé à 77 % des suffrages, nous avons proposé ce programme au CIO. Il était acquis. Au moins, nous le pensions, d’autant que cette proposition collait parfaitement aux attentes du CIO et du COJO Paris 2024 de voir le programme évoluer. Mais les opposants à ce choix n’ont pas baissé les bras. Ils continuent à jouer la carte des anciennes séries olympiques. Ils agissent actuellement au niveau du CIO en faisant jouer leurs relations.
Que reprochent-ils à la course au large ?
Ils considèrent qu’elle n’appartient pas à la voile olympique. Mais les Français savent bien que la course au large fait partie de la même famille. Elle exige les même compétences. François Gabart, Thomas Coville et Franck Cammas, notamment, ont connu la voile olympique et la course au large. Les opposants évoquent également la sécurité des bateaux en mer, alors que la France possède le meilleur dispositif mondial de protection du domaine maritime. Ils estiment que la course au large est trop compliquée, alors qu’elle est sans doute la plus simple des régates olympiques. Enfin, ils évoquent les coûts financiers. Mais, là aussi, leurs arguments ne tiennent pas. Aux Jeux, les bateaux seront fournis aux équipages. Et il suffit pour l’entraînement de disposer d’un bateau de 8 à 10 m, dont le coût reste raisonnable, puisqu’en environ 2 à 3 fois supérieur à celui d’un bateau d’une autre classe olympique. A l’inverse, la course au large peut amener à la voile une plus grande exposition médiatique aux Jeux.
Qui mène la fronde ?
Le Singapourien Ng Ser Miang, accompagné de quelques représentants d’Europe de l’est. Ng Ser Miang a été un temps (1994-1998) vice-président de la Fédération internationale de voile. Il est membre du CIO (il en est même l’un des vice-présidents, ndlr). Ces opposants s’attaquent aux symboles du changement apporté par World Sailing pour les Jeux de 2024, la course au large et le kitesurf. Ces deux disciplines apportent pourtant de la mixité, elles touchent une audience différente et amènent de la nouveauté, tout en incarnant les valeurs de l’olympisme, dont le respect de la nature et la solidarité.
L’élection à la présidence de World Sailing est actuellement en cours. Son résultait peut-il peser dans la balance ?
Deux candidats restent en lice : le Danois Kim Andersen, président sortant, et le Chinois Li Quanhai, actuel vice-président. Kim Andersen a été le promoteur de ce nouveau programme. Mais je ne connais pas la position de Li Quanhai sur cette question. En réalité, je ne l’ai même jamais entendu prendre la parole tout au long du mandat.
Qu’en pense le COJO Paris 2024 ?
A l’annonce de ce nouveau programme, Tony Estanguet et Jean-Philippe Gatien, le directeur des sports, étaient enchantés. Ils veulent du pétillant, du rayonnement, des disciplines représentatives d’une pratique. La course au large représente 60 % de la pratique de la voile dans le monde. Mais aujourd’hui, le COJO attend que le programme soit validé à Lausanne.