Mauvais timing. Au décompte officiel, il reste très précisément 200 jours, ce lundi 4 janvier, avant l’ouverture des Jeux de Tokyo. Trois fois rien, à l’échelle d’un événement dont le Japon a obtenu l’organisation plus de sept ans en arrière. Mais les clignotants passent au rouge, les uns après les autres, dans la capitale japonaise.
Selon les médias nationaux, le Premier ministre japonais, Yoshihide Suga, serait sur le point de déclarer l’état d’urgence à Tokyo et dans trois autres préfectures voisines, Saitama, Chiba et Kanagawa. Il répondrait ainsi aux appels insistants lancés depuis le début de l’année par les autorités locales.
En tête de liste, la gouverneure de Tokyo. Yuriko Koike a pris la tête du mouvement. Elle réclame du pouvoir central une réponse plus radicale à la nouvelle vague de propagation du virus. Les autorités sanitaires ont comptabilisé 816 nouveaux cas à Tokyo, dimanche 3 janvier. Trois jours plus tôt, la capitale avait affiché un nouveau record avec plus de 1.300 cas en seulement 24 heures.
A 200 jours de la cérémonie d’ouverture, l’état d’urgence aurait pour effet immédiat de ralentir la préparation des Jeux de Tokyo. Le comité d’organisation serait contraint, comme toutes les autres entreprises de la capitale, de respecter un protocole sanitaire encore plus strict, peu compatible avec la préparation de l’événement.
Mais l’état d’urgence aurait également un impact direct, et tout aussi brutal, sur la préparation des athlètes japonais. L’an passé, il avait eu pour conséquence une fermeture totale du Centre national d’entraînement de Tokyo, l’une des places fortes de l’équipe olympique japonaise. Il avait été fermé plusieurs semaines, jusqu’au mois de mai, date de la décision des autorités de lever l’état d’urgence.
Autre casse-tête : la sélection des athlètes et des équipes. Selon le décompte établi par la NHK, le Japon a sélectionné environ 20 % de sa délégation olympique, censée compter autour de 600 athlètes aux Jeux. A ce jour, seulement 117 athlètes, dans 13 sports sur les 33 du programme olympique, auraient décroché leur billet.
Les sélections japonaises ont été bouclées en judo, au tennis de table, au taekwondo, à l’escalade et en cyclisme. Mais ailleurs, tout reste à faire, ou presque. Seul ennui, mais de taille : la proclamation de l’état d’urgence, présentée comme inévitable, aurait pour effet de suspendre toutes les compétitions, nationales ou internationales, marquées d’un trait épais dans le processus de sélection.
Face à un tel tableau, la défiance du public japonais à l’égard des Jeux, révélée sans ambiguïté par les sondages des derniers mois, risque peu de s’inverser. Elle pourrait même se renforcer, à l’image de la tendance affichée dans les médias nationaux.
L’agence Kyodo News, notamment, ne craint plus d’exprimer ses doutes quant à la pertinence de maintenir l’événement olympique et paralympique dans un tel contexte sanitaire et économique. Dans un long article d’analyse, publié samedi 2 janvier, elle pose clairement la question : « Est-ce vraiment une bonne idée de continuer avec les Jeux olympiques ? »
Dans sa réponse, Kyodo News pointe les risques d’ouvrir les frontières du Japon à plusieurs dizaines de milliers de visiteurs étrangers. Un risque qui, selon son analyse, n’en vaudrait peut-être pas la chandelle.
L’agence de presse soulève également la question de la vaccination, pointant le fait qu’il ne serait pas forcément éthique de favoriser la communauté olympique – athlètes, cadres techniques, dirigeants – au détriment de populations plus vulnérables face au virus.
Kyodo News se demande aussi s’il est économiquement justifié de gonfler de près de 3 milliards de dollars – surcoût estimé du report des Jeux et des mesures sanitaires – le budget d’un événement qui a déjà coûté près de 13 milliards.
L’agence japonaise relève que l’organisation en pleine crise sanitaire d’un événement planétaire, avec ses contraintes de gestes barrières et de distanciation sociale, le dépouillerait à coup sûr de l’un de ses ingrédients majeurs : une ambiance de fête et un moment de partage.
Enfin, Kyodo News se demande quels bénéfices touristiques et promotionnels pourraient retirer Tokyo et le Japon d’une édition des Jeux d’été où la ville et le pays ne pourraient pas présenter le meilleur d’eux-mêmes au reste du monde. « Les effets à long terme tellement vantés par l’ancien Premier ministre, Shinzo Abe, seraient perdus », suggère son analyse. Pas faux.