L’effet est devenu quasi mécanique. Normal. A moins de 200 jours des Jeux de Tokyo (J – 193 ce lundi 11 janvier), la défiance de la population japonaise à l’égard de l’événement olympique augmente à la même vitesse que la courbe du nombre de cas positifs au COVID-19.
Dimanche 10 janvier, la capitale japonaise a enregistré 1.494 nouveaux cas de patients infectés par le virus. Pour le sixième jour consécutif, les chiffres s’affichent au-dessus de la barre des 1 000. Pour l’ensemble de l’archipel, le nombre de cas a dépassé, la veille, la ligne des 7.000 nouveaux patients.
Au cours du même weekend, le premier depuis la décision du gouvernement japonais de déclarer l’état d’urgence dans l’agglomération de Tokyo, un sondage téléphonique réalisé pour l’agence Kyodo News affiche un taux de défiance record de la population à l’égard des Jeux olympiques et paralympiques.
Pour plus d’un habitant sur trois (35,3 %), les Jeux de Tokyo devraient être annulés. Le même sondage révèle que 44,8 % des personnes interrogées souhaitent un nouveau report de l’événement.
Le calcul est facile. A moins de 200 jours de l’ouverture, alors que le budget des Jeux de Tokyo dépasse désormais les 15 milliards de dollars, plus de 80 % des Japonais avouent souhaiter que l’événement n’ait pas lieu en 2021.
Au cours de la même enquête d’opinion, Kyodo News a sondé les Japonais sur leur perception du Premier ministre, Yoshihide Suga, de son gouvernement et de leur gestion de la crise sanitaire. Les réponses se révèlent également sans la moindre ambiguïté.
Le taux de confiance à l’égard du pouvoir a perdu 9 points par rapport au sondage précédent, effectué au mois de décembre. Il pointe désormais à seulement 41,3 %. Le taux de défiance, lui, grimpe à 42,8 %, quatre mois seulement après le début du gouvernement Suga.
L’enquête révèle que 68,3 % des personnes interrogées se déclarent insatisfaites des mesures de lutte contre le coronavirus mises en place par le gouvernement. Il est reproché aux autorités, à 79,2 %, d’avoir attendu trop longtemps avant de déclarer l’état d’urgence à Tokyo et dans les préfectures voisines de Kanagawa, Chiba et Saitama. Près d’un sondé sur deux (46,6 %) estime que le délai annoncé pour cet état d’urgence – une première période d’un mois – est « trop court ».
Dans le contexte sanitaire actuel, les résultats de l’enquête d’opinion publiée par Kyodo News ne constituent pas une surprise. Ils sont logiques. Confrontés à une nouvelle vague de la pandémie aux effets plus spectaculaires que les précédentes, les Japonais envisagent avec un enthousiasme en chute libre la perspective de voir le pays accueillir la terre entière dans moins de 200 jours. Le contraire aurait semblé douteux.
Il n’empêche, les autorités japonaises ne peuvent pas ignorer la défiance de la population à l’égard des Jeux de Tokyo. Yoshihide Suga ne cesse de répéter que tous les efforts seront déployés pour assurer l’organisation d’un événement en toute sécurité, son message ne passe plus. A terme, son insistance à présenter les Jeux comme « la lumière au bout du tunnel » pourrait même devenir pour lui-même et pour son gouvernement un risque politique.
A Lausanne comme à Tokyo, l’heure n’est pas encore aux grandes décisions. Elles sont annoncées pour le printemps. La courbe des cas peut encore s’inverser. Et, avec elle, la défiance à l’égard des Jeux. Mais en Suisse comme au Japon, les décideurs auront besoin de beaucoup plus que seulement quelques belles formules pour réveiller l’enthousiasme.