Dans le monde d’avant, la date aurait été célébrée avec un mélange d’impatience et d’allégresse. Samedi 23 janvier, le compte-à-rebours marquera J – 6 mois avant l’ouverture des Jeux de Tokyo. Mais, sans réelle surprise, les Japonais n’ont pas prévu la moindre initiative pour marquer le coup.
On les comprend. A 184 jours de la cérémonie d’ouverture, ce mercredi 20 janvier, les sondages ne sont plus les seuls indicateurs des doutes qui entourent l’événement olympique et paralympique. A l’étranger, le discours de confiance servi par le CIO ne suffit plus à faire taire les sceptiques.
Exemple : Keith Mills. L’ancien vice-président du comité d’organisation des Jeux de Londres 2012 ne cache pas ne plus vraiment croire à la réalité des Jeux de Tokyo en 2021. Il l’a expliqué sans langue de bois, en début de semaine, à l’occasion d’une interview sur BBC Radio 5.
« Quand je vois l’évolution de la pandémie à travers le monde, que ce soit en Amérique du Sud, en Amérique du Nord et en Europe, les Jeux de Tokyo me paraissent improbables, a reconnu l’homme d’affaires britannique, aujourd’hui âgé de 70 ans. Si j’étais à la place des organisateurs japonais, parmi tous les scénarios sur la table, j’en rajouterais un concernant une annulation. Et je suis sûr qu’ils ont un plan d’annulation. Mais c’est une décision qui ne serait prise qu’en dernière minute. Il faudra voir comment évolue la situation sanitaire dans le monde, voir si on peut disposer plus vite de vaccins. Mais je n’aimerais pas être à leur place. Une annulation serait dramatique. »
Keith Mills insiste : la tenue des Jeux ne dépendra pas seulement de la situation sanitaire au Japon, où l’état d’urgence imposé par les autorités jusqu’au 7 février concerne 11 préfectures. « Il ne s’agit pas seulement des infections à Tokyo, mais aussi de celles dans toutes les nations engagées, suggère-t-il. Le défi est de savoir si suffisamment de compétiteurs et de pays pourront se rendre au Japon pour des Jeux olympiques viables et crédibles. »
Au Japon, le scénario d’une annulation n’aurait même jamais été évoqué, à en croire les sources officielles. Masa Takaya, le porte-parole du comité d’organisation, l’a écarté sans ménagement la semaine passée. Il a répété que la question d’un nouveau report, voire d’une annulation, n’avait jamais été discutée.
Difficile à croire. Mais Sebastian Coe, le président de World Athletics, se range volontiers dans le camp des optimistes. Invité à réagir aux propos de son ancien second au temps des Jeux de Londres 2012, il a répété sa confiance.
« Je ne pense pas que les Jeux seront annulés, a-t-il confié à Sky News. Cela va être un défi, nous le savons tous, et il est évident qu’il y aura des adaptations. Mais parmi tous les pays sur la planète, le Japon est certainement le plus à même d’aller jusqu’au bout. Je me réveille le matin, en ma qualité de président d’une fédération internationale, en étant soulagé que ce problème soit à régler par le Japon et pas par un autre pays dans le monde. Les questions logistiques seront un défi, notamment au village des athlètes, lorsque des milliers de personnes voudront aller manger en même temps. Pour les compétiteurs, l’expérience sera différente. Mais je pense que les Jeux auront lieu. Ils seront différents mais ils auront lieu. »
Au Japon, le sujet divise l’opinion. A l’étranger, il fait désormais aussi débat. Keith Mills ne sera sûrement pas le dernier à exprimer ses doutes. Et Sebastian Coe à se montrer rassurant.