A 165 jours de la cérémonie d’ouverture, les Jeux de Tokyo s’écrivent toujours au conditionnel. Mais une question semble levée. Elle concerne Yoshiro Mori, le président du comité d’organisation. Montré du doigt depuis la semaine passée pour ses propos misogynes, crédité par une ONG internationale de la « médaille d’or du sexisme », l’ancien Premier ministre ne démissionnera pas. L’affaire est réglée. Il conservera sa place.
Au Japon, pourtant, l’opinion publique le verrait volontiers prendre la porte. Une pétition lancée vendredi dernier par plusieurs activistes japonais, réclamant sa démission de la présidence du comité d’organisation des Jeux de Tokyo, a recueilli plus de 110.000 signatures en moins de 24 heures.
Dans le même temps, un sondage réalisé par Kyodo News au cours du dernier weekend révèle que 60 % des personnes interrogées jugent désormais Yoshiro Mori « non qualifié » pour sa fonction. Seulement 6.8 % des sondés avouent lui conserver leur confiance pour mener la préparation des Jeux.
De son propre aveu, Yoshiro Mori voulait rendre son tablier. Il l’a expliqué au Mainichi Shimbun : « Dès le début, je ne me suis pas senti attaché de façon durable au poste de président (du comité d’organisation). J’ai donc d’abord voulu démissionner. Mais je m’en suis abstenu après avoir été dissuadé de quitter ma fonction par Toshiro Muto (le directeur général du comité d’organisation) et par d’autres. »
Selon Kyodo News, Yoshiro Mori serait devenu incontournable à la tête du comité d’organisation. Ancien joueur universitaire de rugby, passé par la présidence de la Fédération japonaise de rugby, il a été nommé à la présidence des Jeux de Tokyo dès le mois de janvier 2014, au moment de la création du comité d’organisation.
Depuis, l’ex Premier ministre japonais aurait fait l’unanimité, par son influence et son réseau, dans le milieu politique comme dans l’univers sportif. Il aurait contribué à surmonter plusieurs crises, notamment au moment de la décision du CIO de déplacer les marathon et les épreuves de marche à Sapporo, ou plus récemment lors du report d’une année des Jeux olympiques et paralympiques.
Après ses propos sexistes, le gouvernement l’a très officiellement rappelé à l’ordre, lui récitant comme à un élève puni les principes de la Charte olympique. Mais, en coulisses, Yoshiro Mori n’a été lâché par personne.
Le ministre japonais de l’Education, Koichi Hagiuda, a jugé ses propos totalement « inappropriés », mais il reconnaît ne jamais avoir eu l’intention de réclamer sa démission.
Yuriko Koike, la gouverneure de Tokyo, partage la même opinion. Elle aussi souhaite le voir conserver sa fonction au cours des mois à venir. Ses prises de bec avec Yoshiro Mori ont pourtant été souvent explosives, ces dernières années, notamment lorsque le coût des Jeux a grimpé vers des hauteurs encore jamais approchées dans l’histoire olympique.
Une source anonyme au sein du gouvernement de Yoshihide Suga, citée par Kyodo News, suggère sans nuance : « S’il démissionne, il n’y aura pas de Jeux olympiques. Nous avons besoin qu’il continue quoi qu’il en coûte. »
Selon plusieurs acteurs majeurs du mouvement olympique, Yoshiro Mori aurait réussi à construire au fil des années une relation « d’égal à égal » avec Thomas Bach, le président du CIO.
En clair, Yoshiro Mori est devenu incontournable. Au Japon, il n’a pas été cité un seul nom pour le remplacer, après le tollé provoqué par son discours sexiste devant le comité national olympique. « A moins de six mois des Jeux, il n’existe aucune alternative », avance une source proche du dossier.
A 83 ans, l’ancien Premier ministre conservera donc son fauteuil. Mais son équipe devra cravacher, dans les semaines et les mois à venir, pour faire oublier ses remarques sur « les femmes qui parlent trop longtemps ».
Depuis samedi dernier, le comité d’organisation a commencé à envoyer un mail d’excuse aux 80.000 volontaires recrutés pour les Jeux olympiques et paralympiques. Le message débute par cette phrase : « Le président Mori a tenu des propos inappropriés qui vont à l’encontre de l’esprit des Jeux olympiques et paralympiques. »
Suffisant ? Pas sûr. Selon le dernier sondage de l’agence Kyodo News, réalisé par téléphone les 6 et 7 février, 47,1 % des personnes interrogées pensent que les Jeux de Tokyo devraient être à nouveau reportés, alors qu’elles sont 35,2 % à estimer que l’événement devrait être annulé. Dans le camp opposé, seulement 14,5 % des sondés ont répondu vouloir que le rendez-vous olympique et paralympique se déroule comme prévu.