Triste perspective. Une semaine après les révélations du quotidien Mainichi, un autre média japonais, Kyodo News, révèle à son tour que le gouvernement de Yoshihide Suga aurait déjà pris la décision d’interdire la présence de spectateurs étrangers aux Jeux de Tokyo. Dans les deux cas, les sources sont anonymes mais « proches du dossier ». La messe semble dite. Elle ne réjouit personne.
Selon Kyodo News, le gouvernement japonais n’a pas attendu le départ de la flamme olympique, le 25 mars, date annoncée par les organisateurs pour une décision sur la présence d’un public étranger. Les autorités auraient déjà tranché. Elles jugeraient « impossible » d’autoriser l’entrée au Japon de fans venus du monde entier. Raisons invoquées : les « préoccupations du public japonais concernant le coronavirus », et la découverte « de variants plus contagieux détectés dans de nombreux pays ».
De près comme de loin, la position du gouvernement japonais apparait légitime et logique. A moins de 140 jours de l’ouverture, il semble en effet impossible d’imaginer des dizaines de milliers d’étrangers débarquer à Tokyo à la fin du mois de juillet, puis se disperser dans la ville olympique, emprunter les transports en commun, se rendre dans les restaurants et assister aux épreuves.
Toujours selon Kyodo News, les organisateurs des Jeux doivent s’entretenir la semaine prochaine avec le CIO et l’IPC à l’occasion d’une réunion par visioconférence. L’annonce officielle de l’absence de spectateurs étrangers pourrait intervenir au terme de la réunion.
Officiellement, le CIO s’en tient au tableau de marche initial, à savoir une décision sur le public étranger à la fin du mois de mars, puis une autre sur la jauge de spectateurs japonais (et résidents japonais) courant avril. Mais le quotidien Asahi Shimbun croit savoir que l’instance olympique aurait entamé des discussions avec les Japonais pour autoriser certaines exceptions, en priorité pour les invités étrangers liés aux partenaires mondiaux de l’événement.
Pour le Japon, l’absence de public venu de l’étranger représente un manque à gagner considérable. Avant le report des Jeux, décidé en mars dernier, environ 900.000 billets avaient été vendus en dehors du Japon. Ils devront être remboursés. Le comité d’organisation espérait des recettes de billetterie pour un montant total de 800 millions de dollars. Environ un dixième de cette somme devrait venir de l’étranger.
Par ailleurs, le comité d’organisation a révélé que 810.000 demandes de remboursement avaient déjà été enregistrées. Elles ont été déposées pour l’essentiel par des Japonais ayant acheté des billets avant la décision du report, mais ne souhaitant plus, ou ne pouvant plus, se rendre aux Jeux en 2021.
Au-delà de la seule question de la billetterie, l’absence de visiteurs étrangers s’annonce également lourde à encaisser pour l’économie japonaise. Les organisateurs estimaient à environ 1 million le nombre de touristes attirés au Japon par l’événement olympique et paralympique. L’impact économique devait dépasser les 10 milliards de dollars.
Les spectateurs japonais n’ayant pas obtenu les billets demandés souhaiteront-ils racheter les places attribuées aux étrangers ? Où se situera la jauge des spectateurs nationaux sur les sites de compétition ? Les hôtels accepteront-ils de rembourser les chambres non occupées par les visiteurs venus du monde entier ?
A moins de 140 jours de l’événement, les questions continuent de s’empiler, mais les réponses tardent à venir. Seule certitude, déjà mentionnée par les médias japonais : avec cette décision, le gouvernement devra revoir sa stratégie de croissance.